Chroniques cinéma – « Trois souvenirs de ma jeunesse »

d’Arnaud Desplechin

Avec Quentin Dolmaire Lou Roy Collinet, André Dussolier.

Comédie dramatique (Français 2h00).
Présenté à  la Quinzaine des réalisateurs à  Cannes.

Chroniques cinéma du 22 Mai 2015 Marie-Noëlle Gougeon

Quand la passion pour une jeune fille émancipée déchire le cœur et la vie d’un jeune garçon dans les années 70..Pour lui, une blessure inoubliableUn beau film réussi d’Arnaud Desplechin avec deux jeunes comédiens en osmose avec leur réalisateur.

Paul Dédalus, anthropologue, revient en France après de nombreuses années passées en Ouzbékistan et au Tadjikistan. A la douane, il est arrêté, car un autre Paul Dédalus existerait en Australie. Une usurpation d’identité ? Alors les souvenirs affluent. Lors d’un voyage scolaire à  Minsk, Paul et son ami Kowalki avaient aidé des dissidents juifs à  se procurer de l’argent pour rejoindre Israël et Paul avait « offert » son passeport.

Cette question de l’identité va être le prétexte à  Arnaud Desplechin pour évoquer cette période de la vie de Paul et surtout celle qui a suivi de quelques années : cette charnière que chacun connaît à  la fin des études, où l’on se cherche, lorsqu’il faut choisir une voie : la fac , une formation professionnelle ? Au risque de se couper des copains, de la famille, de la ville où l’on a toute sa vie. C’est ce qui arrive à  Paul. Il quitte Roubaix (la ville natale d’Arnaud Desplechin) pour Paris et des études d’anthropologie.

Mais trop de choses l’attachent à  sa ville d’origine : une famille où il a souffert, (une mère détestée qui s’est suicidée, un père dépressif, un frère et une sœur très aimants) mais surtout une bande de copains, et par-dessus tout Esther, le centre de tous ses tourments, de toutes ses pensées. La passion va emplir sa vie, ses journées. Il se veut détaché, « moderne », accepte que la jeune fille ait d’autres relations mais …Le cœur a ses raisons, refrain bien connu. Kowalki, son meilleur ami, lui « enlèvera » Esther ou ne serait-ce pas plutôt la jeune fille qui a provoqué la « trahison » ?

Le film « Trois souvenirs de ma jeunesse » tient de cette évocation à  la fois mélancolique et nostalgique que l’on voit poindre à  intervalles réguliers sur ces moments de la vie où tout était envisageable. Moments exaltants des amitiés fulgurantes et des passions amoureuses qui se vivaient tout autant qu’elles se « disaient », se racontaient, s’écrivaient.

Et le film d’Arnaud Desplechin excelle à  donner un écrin à  cette anthropologie des tourments du cœur et de l’âme, à  cette découverte du langage des corps, des cœurs, avec la morsure de la jalousie, le 1er chagrin d’amour qui ne s’oubliera pas. Les héros parlent, s’écrivent tout autant. On les entend en voix off lire leurs lettres d’amour. On pense à  Rohmer, au film « Le genou de Claire ». Paul Dédalus adulte, à  la fin du film, avoue :
« Il me reste : un amour intact, un chagrin intact, une fureur intacte »

Arnaud Desplechin filme au plus près des visages de ses acteurs, aux traits encore très doux de l’enfance Peu de scènes en extérieur : la passion et les atermoiements du cœur ont besoin de pénombre et d’intimité. On ne ressent pas de tristesse pourtant à  cette histoire inachevée mais la trajectoire d’un homme adulte figée à  un moment de son histoirele laissant sans doute quelque part un « enfant » pour toujours inconsolé

Les deux jeunes comédiens sont justes, émouvants, vrais. De la belle ouvrage.

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«Café-ciné » à  Saint-Bonaventure – « La loi du marché »

le jeudi 4 juin de 12h30 à  13h30

Une fois par mois, nous nous retrouvons autour d’un film présent sur les écrans. Chacun va le voir à  la séance de son choix, et nous nous retrouvons pour en parler pendant une heure, autour d’un café que Saint-Bonaventure offre.

Autour du film «La loi du marché » de Stéphane Brizé

avec Vincent Lindon.

Drame social. France

Sorti en salles depuis le 19 MAI 2015.

Chroniques cinéma – « La Tête haute » et « La loi du marché »

«La Tête haute » de Emmanuelle Bercot

avec Catherine Deneuve, Benoît Magimel et Rod Paradot.

Drame. France. (2h00).

«La loi du marché » de Stéphane Brizé

avec Vincent Lindon.

Drame social. France. (1h33)

Chroniques cinéma du 19 mai 2015 de Marie-Noëlle Gougeon

Deux films français présentés à  Cannes cette semaine, le 2ème en compétition : deux films sociaux loin du glamour de la Croisette. Quand le cinéma impose de regarder la réalité en face. Décapant

Thierry Frémeaux, le délégué général du Festival a eu quelque courage à  présenter à  un public plutôt habitué aux paillettes et aux fictions hollywoodiennes ces deux longs métrages réalistes et sombres.

Dans « La Tête haute », Emmanuelle Bercot, la réalisatrice, dépeint dix ans de la vie d’un jeune adolescent, Malhony (mal-honni !), boule de violence et de souffrance, délaissé par une mère-enfant débordée. De vols en cavales, la juge pour enfants, ferme et attentive (magistrale Catherine Deneuve) fait le choix de l’envoyer en centre éducatif où il va être accompagné par Yann, éducateur, lui-même ancien délinquant. Malhony n’arrive pas à  accepter les règles, flirte avec les transgressions, mais voue à  sa mère un amour constant, à  son petit frère aussi. La fin du film se veut libératrice : la juge qui part à  la retraite manifeste enfin toute son affection à  Malhony. Ce dernier, son jeune fils dans les bras semble porter tout le trésor de la terre. Responsable d’un autre que lui, Malhony va peut-être aller de l’avant ? Le jeune Rod Paradot est bluffant de vérité

Le film alterne gros plans serrés, bagarres, prises de tête et de cœur entre Malhony, la juge, sa mère, les jeunes du centre. La réalisatrice s’est énormément documentée et cela donne au film une réalité indéniable, malgré quelques longueurs. Et tout autant que la vie de cet ado, « La tête haute » est un vibrant plaidoyer pour le travail de ces gens de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse) qui accompagnent ces gamins en détresse. Chapeau !
La dernière image du film est un Palais de Justice surmonté du drapeau bleu-blanc-rouge. Tout un symbole..

Malhony deviendra-t-il un jour un homme fatigué et écrasé comme Thierry, le personnage de« La Loi du marché » ? On ne peut s’empêcher d’y penser.

Licencié à  plus de 50 ans, Thierry, ancien technicien ne retrouve pas du travail. Les stages que lui trouve Pôle emploi ne débouchent sur rien, et il ne se prive pas de dire sa sourde irritation à  son conseiller. Parce qu’il doit financer les études de son fils handicapé, payer les traites de son appartement, il accepte un travail en dessous de sa qualification : surveillant dans une grande surface. Dès lors, il va fliquer les clients voleurs en puissance, coincer les caissières indélicates, moucharder pour la direction, jusqu’à  se retrouver complice de cette « chasse » sur ses collègues. Peut-on tout accepter, au nom d’un travail ?

La loi du marché vous prend à  la gorge et ne relâche jamais la pression. C’est un film radical, sans fioriture, sans affect, presque documentaire. Vincent Lindon, puissant et imposant est le seul acteur. Stéphane Brizé utilise de longs plans séquence, cadré sur l’acteur, souvent de profil, aux prises avec toutes les difficultés que connaissent bien les chômeurs. On se bat avec lui, on se sent acculé avec lui contre la violence morale et psychologique qu’il subit. C’est tout un système, une puissance hiérarchique qui est ainsi mise en images : ces fameuses « lois du marché ». Le film est implacable comme la violence du chômage, la perte de toute dignité, jusqu’à  la mort parfois. Quand la fiction est aussi poignante que la réalité, on salue un grand film.«La loi du marché » en est un.

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Cinéma et Spiritualité

Lyon – Paroisse du Sacré-Cœur

89 rue Antoine Charial 69003 Lyon

Tél. : +334 78 54 86 31

Succédant au groupe Signis qui avait démarré en 2010, l’association CINÉMA ET SPIRITUALITÉ fondée par Michèle Debidour, propose chaque mois, à  la paroisse du Sacré-Coeur (69003 Lyon), une rencontre-débat sur 2 nouveaux films en salles et 2 fois par an un temps de formation.

Plusieurs de ses membres participent à  des jurys œcuméniques dans les grands festivals et écrivent des critiques sur le site de Signis.

En projet : formation à  l’analyse filmique et Journées Cinéma.

prochain rendez-vous à  Lyon :
Samedi 6 juin de 10h30 à  18h30,

Journée de fin d’année

* Matin : échange sur

«Taxi Téhéran » film iranien ours d’or à  Berlin

«La tête haute » d’Emmanuelle Bercot, film d’ouverture du festival de Cannes 2015.

* Déjeuner convivial

* Après-midi thématique : interprétation de l’image au cinéma

info : [->mdebidour@gmail.com]

[->http://sacrecoeur-lyon.fr/_Paroisse-du-Sacre-Coeur-Lyon_]

Sur inscription : 06 89 05 38 94. ou par mail

[->cinema.et.spiritualite@orange.fr]

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Chroniques Cinéma – « Les terrasses »

de Merzah Allouache

avec Adila bendimerad, Nassima Belmihoud

Film franco-algérien. Drame (1h32).

Un film qui ne masque pas la violence qui gangrène la vie algéroise, conséquence des années de terrorisme, mais qui montre aussi le courage des habitants d’Alger la Blanche et qui vaut qu’on les entende

Chroniques Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

L’affiche est trompeuse. Avec ce ciel bleu et ses toits au soleil, on pourrait penser à  une radieuse après-midi d’été. Merzah Allouache, cinéaste algérien et qui vit en France nous offre pourtant un film plutôt sombre, tourné sur des terrasses de cinq quartiers bien connus de la capitale algérienne dont ceux de Bab-el-Oued, Notre Dame d’Afrique, Belcourt, la Casbah. Au pied des immeubles, la sublime baie d’Alger et sa mer paisible mais là -haut c’est la pauvreté qui règne : des murs défraîchis, des paraboles de TV rouillées, des portes en bois usées. Sur ces terrasses, cinq histoires vont s’écrire et se dénouer tout au long de la journée scandée par les appels à  la prière.

Sous ce ciel lumineux, et malgré les améliorations de la vie des habitants, le réalisateur nous montre un pays encore traumatisé par ces dix années de guerre civile : folie dues aux exactions des terroristes, misères matérielle et morale, violence des uns (les plus fortunés ou les plus forts) sur les autres ( les vieillards, les femmes). Malgré l’appel à  la prière toujours aussi évocatif, la religion est davantage présentée comme un moyen d’enrôlement vers le djihad ou le trafic de drogues.

Seuls deux groupes de jeunes semblent espérer un ailleurs meilleur : des musiciens et une jeune équipe de TV. On sent qu’une autre Algérie est en train de naître avec des manières de s’exprimer qui lui est propre et pourtant .la jeune chanteuse assistera impuissante au suicide d’une jeune femme et l’équipe de TV tombera sous les coups d’un maître-chanteur.

Il y a beaucoup de désillusions dans ce film tourné en très peu de jours et s’inscrivant quasiment dans une démarche documentaire. « On voulait changer le pays mais c’est lui qui nous a changé » dit un des protagonistes, ancien commissaire de police et ancien communiste. On reste sur ces terrasses battues par le vent, regardant la rue en bas grouillante de monde et la mer au loin, promesse de tous les départs.

Et pourtant malgré toutes ces violences montrées, cette sourde hostilité « Pourquoi on ne s’aime pas ? » chante douloureusement Assia la jeune chanteuse, on est sensiblement attiré et subjugué par toutes ces plaintes et ces trajectoires de vies aussi terribles soient-elles. Elles ont été abîmées par une folie meurtrière, politique, religieuse. Mais elles sont aussi porteuses d’autre chose. Aujourd’hui la jeunesse avec la fougue et la vitalité qui lui sont propres n’aspire qu’à  vivre des jours meilleurs et l’espère. Il lui faut se relever et se battre. Un concert de musique traditionnelle clôt le film. Manière de se donner du courage ou de fuir dans le passé ? Il faut monter sur cesTerrasses,ne serait ce que pour donner existence et réalité au courage de ses habitants.

[->http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=222984.html]

« Histoire de Judas » suite

Le film «Histoire de Judas », de Rabah Ameur-Zaïmeche, sorti à  la mi-avril, ne sera peut-être plus projeté à  Lyon lorsque cet éditorial paraîtra. Ce n’est pas un film grand-public, sa diffusion est restée discrète, et les spectateurs ne se bousculaient pas dans les quelques salles où il était projeté. Les chrétiens se sont sans doute montrés plus intéressés que d’autres, en raison de son titre. Ils espéraient peut-être y découvrir la véritable histoire de l’apôtre qui trahit Jésus. Si tel est le cas, ils en furent pour leurs frais, car l’histoire racontée est fort éloignée de la réalité historique. Mais c’est un bon film, peut-être même un grand film.

Il a été tourné dans un village en ruines proche d’Annaba (anciennement Bône), en Algérie, un décor qui ne ressemble aucunement aux collines de Judée : des palmiers souvent trop secs se balancent sous un vent fort et bruyant, l’environnement est beaucoup plus minéral que dans les environs de Jérusalem, aucune construction n’est intégralement debout.

Les personnages principaux sont trois hommes et une femme. Cette dernière, appelée Suzanne dans le film, est celle qui versa un parfum de grand prix sur les pieds de Jésus. Jésus lui-même est un homme de haute taille, attentif à  tous et fascinant ; de lui se dégage une grande autorité naturelle. Judas est avide de s’instruire, il est présenté comme le disciple qui fut le plus proche de Jésus – les autres apôtres ne sont que des ombres -, et il protège jalousement cette proximité.

Le réalisateur a ajouté un troisième personnage au nom soigneusement travaillé, un dénommé Carabas dont le nom, identique à  celui du personnage du Chat botté, fait inévitablement penser à  Barabbas ; c’est une sorte de prophète marginal habillé de guenilles, affligé d’un strabisme divergent prononcé, vivant de rien, vitupérant contre les pouvoirs en place, tant celui des grands-prêtres juifs que celui des romains.

La première scène se passe dans une maison isolée en plein désert ; Judas vient y chercher Jésus qui a passé quarante jours en ermite, pour qu’il commence enfin sa tournée de prédication. La dernière scène ou presque se passe dans le tombeau où Jésus a été inhumé et où son cadavre, au matin de Pâques, n’est plus. Les quelques scènes évangéliques évoquées (principalement entre les Rameaux et Pâques) sont toutes présentées de façon décalée. Un exemple significatif : lors de l’entrée de Jésus à  Jérusalem le dimanche des Rameaux, il porte un ânon dans ses bras au lieu que ce soit un ânon qui le porte. Et tout est à  l’avenant.

Le réalisateur a usé de beaucoup de liberté par rapport à  l’histoire, en s’inspirant en partie d’un écrit apocryphe connu dans une version en langue copte, découvert en Égypte à  la fin des années 1970, sans doute composé vers le milieu du 2ème siècle de notre ère, appelé Évangile de Judas. Sa publication en 2006 a été remarquée dans les milieux scientifiques. Judas y est présenté, non pas comme un traître mais, au contraire, comme le disciple le plus attaché à  Jésus, qui organisa sa mort avec l’accord du maître, car le monde matériel est perçu comme si mauvais qu’il vaut mieux le quitter le plus tôt possible. Cette vision négative du monde matériel a existé dans l’Antiquité, dans des courants minoritaires appelés « gnostiques ». L’amitié privilégiée entre Jésus et Judas est reprise dans le film, mais l’idéologie gnostique de l’Evangile de Judas ne l’est pas. Dans le film, Judas ne joue aucun rôle dans l’arrestation de Jésus ni dans sa mise à  mort. Il est son ami du début à  la fin, loyal jusqu’au bout.

Il faut situer ce film dans un courant artistique très représenté aujourd’hui, notamment dans le domaine littéraire, qui consiste à  écrire des fictions mettant en scène des personnes ayant réellement existé. Ce n’est pas de l’histoire, c’est l’histoire telle qu’elle aurait pu être.

Si l’on voulait corriger le titre du film, on l’appellerait sans doute « Une histoire de Judas » avec un article indéfini : une histoire possible, possible au milieu de beaucoup d’autres, mais qui n’a pas grand rapport avec ce qui se passa effectivement. Cela n’en fait pas un mauvais film, bien au contraire. L’opinion des critiques a été assez divisée au moment de sa sortie. Personnellement, je l’ai trouvé esthétiquement beau, un peu obsédant – notamment en raison des scènes d’intérieur très sombres et de ce vent qui ne s’arrête jamais -, optimiste en raison des liens d’affection et d’amitié qui règnent entre les personnes et qui ont valeur rédemptrice.

Il a reçu le prix du Jury œcuménique au Festival de Berlin, en février 2015. C’est une récompense bien méritée.

Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire

Chroniques cinéma – « Le labyrinthe du silence »

de Giulio Ricciarelli

avec Alexander Fehling

Film dramatique allemand ( 2015 -2h03).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une leçon d’histoire, une interrogation sur la banalité du mal et ceux qui le commettent. Mais aussi un thriller classique, efficace et exemplaire.

Le labyrinthe du silence
est inspiré d’une histoire vraie. Dans les années cinquante en Allemagne, le procureur général de Francfort-sur-le-Main, Fritz Bauer va autoriser Johann Radmann, un jeune procureur à  ouvrir une enquête sur d’anciens soldats attachés au camp d’Auschwitz et coupables d’être responsables de milliers de morts de prisonniers. Ce personnage de jeune procureur n’a pas complètement existé mais il a été créé à  partir de trois magistrats qui ont eu la charge de cette enquête.

8000 soldats travaillèrent dans ce camp qui après 1945 se situait en Pologne et donc loin de la réalité des allemands après guerre. Johann Radmann est confronté à  une enquête de titan pour retrouver ces soldats qui sont revenus à  la vie civile. Et c’est à  une course contre le temps, contre le déni de cette période, la volonté de l’oubli qu’il doit se battre. Le film se déroule comme un thriller avec les chausses- trappes, les intimidations, les freins que l’on place sur la route du jeune magistrat. Lui-même découvre avec horreur que son père était inscrit au parti nazi

L’autre grande qualité du réalisateur c’est d’avoir placé le propos de son film sur la question de la normalité, de la banalité. Comment des jeunes gens ont-ils pu commettre de telles atrocités ? Comment aujourd’hui peuvent-ils être redevenus de simples citoyens, boulangers, enseignants, journalistes, sans que la société s’en émeuve.

Beaucoup d’allemands ignoraient avant le procès de ces soldats la réalité d’Auschwitz, ou ne voulaient pas savoir. Les anciens soldats ne veulent pas parler.

Et le film de Giulio Ricciarelli nous restitue bien ce travail de dévoilement, de dessillement opéré par Radmann sur ses compatriotes. Et en écho, nous ressentons cette interrogation : pouvons-nous fermer les yeux, ne devons-nous pas nous aussi être vigilants, ne rien laisser passer des omissions au respect de la dignité humaine, combattre toute forme de barbarie aujourd’hui ?

Le film restitue aussi toute l’ambiance de cette époque, avec un souci des décors, de la musique, des vêtements : banalité des vies et banalité du décor vert-de-gris des villes allemandes des années 50
Giulio Ricciarelli réalise également un beau travail sur la photographie et le montage.
Alexander Fehling, l’acteur allemand qui joue Radmann est excellent.

Le procès aura lieu en 1958, même si peu de soldats furent poursuivis (18 seulement). Il aura permis à  l’Allemagne d’opérer un formidable travail sur elle-même, sortir du déni et de l’oubli des crimes de la seconde guerre mondiale. Certains bourreaux d’Auschwitz ne furent jamais jugés, comme le Dr Mengelé, enfui en Amérique du Sud. Preuve que des protections existaient jusqu’au sommet de l’Etat

Ciné-conférences 2015 – « Lyon au cinéma »

le jeudi 30 Avril à  14h30

l’Institut Lumière

25 rue du Premier-Film BP 8051
69352 – Lyon Cedex 08

Tél. 04 78 78 18 95 Fax 04 78 7818 94

[->contact@institut-lumiere.org]

Jeudi 30 avril à  14h30

Des frères Lumière à  Bertrand Tavernier, Lyon fut très souvent le décor de nombreux films. Cette conférence permet aussi de redécouvrir la ville à  travers des documents d’archives Gaumont et Pathé, des années 1920 aux années 1970. Un témoignage vivant, un immense album de souvenirs mais l’étude de l’évolution de la vision de Lyon de l’Après Guerre à  nos jours

• Suivi à  16h30 du film : Une semaine de vacances de Bertrand Tavernier (1980, 1h42)

Avec Nathalie Baye et Gérard Lanvin. La dépression soudaine d’une enseignante lui permet de ré-apprendre à  apprécier la vie et ses amis Le plus beau film jamais tourné à  Lyon, dont il n’est pas seulement le décor mais aussi l’âme.

Les ciné-conférences

Chaque intervention dure 1h30
Salle de cinéma du Hangar du Premier-Film à  14h30.
Film dans la salle de cinéma du Hangar du Premier-Film à  16h30.
Ouverture des portes à  14h.
Les ciné-conférences ne sont pas accessibles aux groupes scolaires.

TARIFS
5,50 euros (Plein tarif), 4,50 euros (Tarif réduit), 3,50 euros (Abonnés)
Si vous avez assisté à  la conférence, film: 5 euros, 4,50 euros (abonné)
Il est conseillé d’acheter ses places à  l’avance à  l’Institut Lumière ou par téléphone au 04 78 78 18 95

Renseignements
Fabrice Calzettoni
04 78 78 18 91

[->fcalzettoni@institut-lumiere.org]

[->http://www.institut-lumiere.org/cinema/cin%C3%A9-conf%C3%A9rences.html]

Chroniques cinéma – « Une belle fin »

de Uberto Pasolini

avec Eddie Marsan

Comédie dramatique ( Royaume Uni) 2013. 1H32.

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Un film subtil et profond sur l’accompagnement à  leur dernière demeure de ceux qui sont « sans familles ».Une belle réflexion sur le prix de la vie, nos liens aux autres. Et une fin quasi évangélique.

John May, donne tout son temps à  son travail : trouver les familles de ceux qui décèdent seuls, sans parents. Avant de procéder à  la crémation, il fait tout son possible pour retrouver un parent éloigné. Et s’il n’y a personne à  l’enterrement, il y va, seul, écrivant même au pasteur l’éloge funèbre du défunt ! Cette tâche lui convient, lui qui vit seul, sans famille, dans un immeuble pour célibataires. Méticuleux, ordonné jusqu’à  la maniaquerie, introverti. Toutes ces vies qui défilent sous ses yeux remplissent sa solitude.

Oui, mais voilà  cet attachement à  bien faire son travail ne fait pas l’affaire de son chef qui le trouve trop lent. Il prend prétexte d’une restructuration pour lui annoncer son licenciement. John May n’a que quelques jours pour retrouver la famille de son dernier « défunt » Billy Stoke, qui habitait dans le même immeuble que lui. Et c’est dans un vrai jeu de piste que John May va se lancer à  la recherche des amis, de l’amie , de la fille de ce pauvre Billy Stoke, mort seul, après une vie cassée entre petits boulots, vie de clochard et prison..John May ressent un certain attachement pour ce mort qu’il n’a pourtant pas connu.

La fin (que je ne dévoilerais pas) est inattendue mais une très belle trouvaille du scénariste. Elle donne à  l’ensemble de l’histoire toute sa dimension morale et .évangélique.

Car comment mieux illustrer l’amour pour les autres et la communion des saints ?

Voilà  un beau film, subtil, délicat qui parle d’un sujet que l’on préfère ne pas trop voir. Comment sont accompagnés jusqu’à  leur dernière demeure ceux qui n’ont plus de famille ?

John May, ce doux célibataire solitaire, se retrouve un peu dans tous ces êtres dont il s’est occupé et dont il conserve les photos. C’est comme s’ils composaient sa famille. Eddie Marsan, comédien britannique donne à  son personnage une dimension à  la fois lunaire et compassionnelle.

La première partie du film se déroule méthodiquement au rythme des activités répétitives de John May, dans une ville de Londres un peu grise. Le décor de son appartement est minimaliste, son intérieur sans poussière est si bien ordonné.

Puis peu à  peu, John May part à  la rencontre des amis et de la vie brinquebalante de Billy Stoke : son emploi du temps est moins strict, le paysage prend de la couleur, John May risque même un sourire et un sentiment affectueux vis-à -vis de la fille de Billy Stoke. A leur contact, sa vie monotone, réduite à  ce bureau de fonctionnaire va s’humaniser. John enlève sa cravate, enfile un joli pull bleu..

Oui, il côtoie la mort tous les jours, mais cet univers des funérailles, ce qu’il a semé, vont lui apporter contre toute attente la plus jolie fin de vie qu’il pouvait imaginer.

Recevoir des autres à  la mesure de ce qu’il avait donné