de Jean-Michel Ribes
France, 1h33, 2007.
Sortie en France le 19 novembre 2008.
avec Victoria Abril, Josiane Balasko, Michel Blanc, Isabelle Carré, André Dussolier, Julie Ferrier, Gérard Jugnot, Fabrice Luchini,Yolande Moreau, Dominique Pinon, Muriel Robin.
Une fantaisie décapante qui questionne l’art avec un humour ravageur et des saynètes où les visiteurs d’un musée sont croqués sur le vif. Drôle et subtil !
Le réalisateur de ce film, Jean-Michel Ribes, est un homme à tout faire : acteur, écrivain, amuseur public (avec le fameux Merci Bernard à la télévision française) et directeur d’un théâtre depuis 2001. Musée haut, musée bas était d’abord une pièce de théâtre avant d’être portée à l’écran avec quelques uns des meilleurs acteurs du moment et d’autres moins connus qu’on découvre avec bonheur. Michel Blanc, Victoria Abril, Isabelle Carré, Valérie Lemercier, Fabrice Luchini ou Gérard Jugnot, ils sont tous là pour quelques moments savoureux. Non pas une présence de bout en bout mais de petits clins d’œil, comme les tableaux dont le film parle tant.
Musée haut, musée bas est une joyeuse satire de l’univers feutré des musées. Que ce soient les conservateurs et leur vocabulaire si hermétique, ou les visiteurs et leurs réflexions si loufoques, tout le monde est au rendez-vous. L’art n’existerait pas s’il n’y avait personne pour le regarder et le commenter. Et les musées sont, par excellence, les seuls lieux où tout le monde peut parler des œuvres tout en les regardant. Ce qu’on ne peut faire ni au théâtre, ni au concert et encore moins au cinéma. « Est-ce que les arbres étaient beaux avant que Corot les ait peints ? » demande avec colère le directeur du musée. « Moi, de toute façon, je ne le supporte pas, Léonard de Vinci ! Son côté monsieur-je-sais-tout-faire, peinture, sculpture, bricolage et j’en passe, ça m’horripile! » répond avec conviction une curieuse. De l’hilarante scène d’ouverture où les prétentions des architectes sont démantelés avec fougue par Julie Ferrier, au vernissage d’une exposition par un ministre « aux yeux de lapin pris dans les phares d’une voiture » tellement il ne sait quoi penser devant autant d’énormité, jusqu’au jeu de piste de monsieur Toutlemonde cherchant les impressionnistes, l’ordinaire des musées est magnifié par l’humour.
Au-delà de la pertinence et de la drôlerie des dialogues, Musée haut, musée bas questionne la place de l’art dans nos vies. Il y a des intellectuels capables de faire la différence entre le baroque et le surréaliste, vivent-ils mieux pour autant ? Pourquoi est-il si simple de faire venir des œuvres d’art du continent africain alors qu’il est si difficile pour les artistes qui les fabriquent de se déplacer ? Est-ce vraiment drôle de garer une voiture Picasso dans un parking Vinci ? Pourquoi un homme nu est-il considéré comme de l’art gréco-romain ou une provocation aux bonnes moeurs ? Est-ce que c’est vraiment idiot de dire devant un tableau de Kandinski « Je ne mettrais pas ça dans ma salle à manger ! » ? Mais surtout, quelle place pour l’art dans nos vies ordinaires ?
Le film est autre chose qu’un florilège de bons mots. La caméra est fluide, comme le maître d’œuvre d’un ballet, parcourrant les salles comme une baguette magique, chorégraphiant les plaintes des gardiens, faisant descendre les madones de leurs cadres rigides, mélangeant les tapisseries du mobilier Louis XVI avec les costumes des artistes contemporains et mettant de la couleur jusque sur les gâteaux de la cafétéria. Tous les visiteurs sont habillés avec soin et les décorateurs ont si bien travaillés qu’il est difficile de reconnaître un vrai musée parmi les 5 qui ont prêté leurs salles. C’est un enchantement pour l’œil, toutes époques confondues. Les acteurs sont tous excellents et s’ils ont tous de petits rôles, on sent qu’ils ont eu à cœur de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Musée haut, musée bas nous rappelle aussi ce paradoxe des œuvres d’art : leur fragilité et leur permanence. Menacées par l’indifférence, par le temps, par le regard de leurs admirateurs, elles savent aussi défier les siècles et assurer la mémoire de l’humanité.