de John Crowley
Royaume-Uni, 1h40, 2007.
Prix du Jury œcuménique, section Panorama, Berlinale 2008. Grand prix du jury et prix du public au Festival du film britannique de Dinard 2008.
Sortie en France le 25 février 2009.
avec Andrew Garfield, Katie Lyons et Peter Mullan.
Un terrible face à face entre un jeune homme qui pense naïvement pouvoir construire sa vie d’adulte et une société incapable de se soustraire à la voracité des médias.
L’histoire de Jack, le personnage principal de Boy A est inspirée d’un roman de Jonathan Trigell. Comment, après avoir purgé une longue peine de prison, un jeune homme peut reconstruire sa vie ? Le film se déroule de nos jours en Angleterre. Jack était mineur au moment des faits pour lesquels il a été condamné, ainsi qu’un autre garçon. Aussi, tout au long du procès, leur véritable identité a été protégée et on les appelle respectivement « boy A » et « boy B » (garçon A, garçon B). Le film ne s’attarde guère sur les raisons du crime et encore moins sur les années de détention. Boy A est le récit d’un retour à la vie. Une vie normale ? Comment peut-on parler de normalité quand Jack ne peut dévoiler ni sa véritable identité, ni les raisons de son absence ? Comment être vrai avec ses amis quand on ne peut leur dire l’inavouable ? Comment aimer une femme à qui on n’ose pas se confier ?
Avec une réalisation qui fait honneur aux meilleurs cinéastes britanniques, John Crowley signe un film remarquable, tant par l’utilisation de la lumière que par le déroulement du récit ou le choix des acteurs. Andrew Garfield donne à Jack un beau visage plein d’espoir et d’attente, heureux de vivre enfin et de finir de payer sa dette. Avec juste ce qu’il faut de gravité dans l’insouciance pour incarner le personnage. Pour l’accompagner, Peter Mullan en soutien lui aussi empêtré dans des problèmes personnels. De film en film, on le retrouve toujours avec plaisir, tant il sait d’emblée trouver le ton juste. Dès les premières images, le spectateur est lui mis en position de décryptage, comme Jack qui tente de maîtriser les habitudes de cette nouvelle dont il ne connaît rien. Tout au long du film, une utilisation judicieuse de l’espace et des couleurs accompagne le jeune homme dans son parcours plein d’espérance. Mais des retours en arrière, dans la mémoire du jeune homme, nous ramènent sans cesse à l’atrocité de son crime.
Dans la seconde partie du film, John Crowley met clairement en cause la rapacité des médias. Toujours à la recherche de sensationnel, ils n’hésitent pas à mettre en péril le destin d’un individu pour vendre plus de copies. Malgré lui, Jack se trouve au cœur d’une tourmente médiatique. Dans une société où, tout en réclamant plus de sécurité, les individus se délectent des violences rapportées par les médias, il est difficile d’espérer de la compassion et de la retenue pour ceux qui ont déjà été condamnés. Par maladresse autant que naïveté, Jack précipite son destin et nous sommes tous coupables.
Au Festival de Berlin 2008, où ce film était présenté dans la section Panorama le Jury oecuménique lui a attribué son prix à Boy A : « En utilisant l’espace et la lumière pour exprimer le repentir et l’espérance d’un jeune homme qui sort de prison, le film montre comment ses efforts pour retrouver une vie normale sont détruits par l’ignorance des individus et l’outrance des médias. »
Magali Van Reeth