de Philippe Lioret
France, 1h55, 2007.
Prix œcuménique à Berlinale 2009, section Panorama.
Sortie en France le 11 mars 2009.
avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi, Audrey Dana.
Deux histoires d’amour vécues de façon bien différentes permettent à deux hommes, que tout sépare, de se rencontrer brièvement : un film sensible et touchant de Philippe Lioret.
C’est à la piscine municipale de Calais qu’a lieu la rencontre des deux personnages principaux du film. Un maître nageur un peu las, dans son corps et dans son cœur, tente vainement de dissoudre son chagrin dans l’eau aseptisée. Les gestes mécaniques que Simon enseigne à longueur de bassin et de journée lui permettent de continuer à avancer la tête sous l’eau, sans rien voir d’autre que sa douleur. C’est dans cet univers clos et saturé qu’il croise un très jeune homme. Bilal, venu du bout du monde dans des conditions épouvantables, a gardé intactes son énergie et ses illusions. Il veut juste apprendre à nager pour traverser la Manche et rejoindre sa belle en Angleterre. Deux histoires d’amour différentes, deux hommes différents, deux mondes différents, Welcome tisse sa toile entre l’intime et l’actualité.
Les histoires d’amour, le réalisateur français Philippe Lioret les décline depuis quelques années. Avec Mademoiselle en 2001, L’Equipier en 2004 et Je vais bien, ne t’en fais pas en 2006, il a montré la grâce romanesque du coup de foudre, les sentiments qui perdurent au-delà de la fuite du temps ou les liens qui cimentent une famille. Aujourd’hui, il nous rappelle à quel point une histoire d’amour doit aussi s’inscrire dans une ouverture aux autres. Bilal est un clandestin, venu illégalement en Europe et à la merci d’une reconduite aux frontières maintenant qu’il a échoué dans l’impasse de Calais. Il sait à quel point il a besoin des autres pour atteindre son but et retrouver sa bien-aimée. Simon, lui, a des papiers, un travail, un logement, une vie confortable si ce n’est cet immense chagrin d’avoir été quitté par sa femme. Pour lui, il n’y a plus qu’isolement et enfermement. S’il passe ses journées sur le bord de la piscine, on sent bien qu’il est déjà noyé. La rencontre avec Bilal va lui permettre de sortir la tête de l’eau.
Parce que le film se déroule à Calais, la situation horrible vécue par les clandestins est aussi au centre du film. Venus d’Afrique et d’Asie, des milliers de personnes, de plus en jeunes, échouent dans « la jungle », cette zone particulière à proximité du port de Calais où les clandestins se réfugient en attendant un hypothétique passage vers l’Angleterre. Depuis la fermeture du camp de Sangate en 2002 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, il n’y a plus de structures pour accueillir ces immigrants. Les personnes qui les nourrissent ou les accueillent par pure compassion, sont aussi dans l’illégalité. Dans des conditions extrêmement précaires, aggravées par les violences policières d’un état qui refuse que des bénévoles s’occupent d’eux, les immigrants risquent chaque jour leur vie pour tenter un passage en Angleterre. C’est cette histoire aussi que Philippe Lioret voulait raconter, en l’ancrant dans une fiction. A la Berlinale 2009, le festival du film de Berlin, le Jury œcuménique a primé Welcome dans la section Panorama, soulignant le travail du réalisateur qui « arrive à mettre en évidence de façon convaincante comment le chemin vers l’amour entre deux personnes passe par un engagement pour les autres ».
Magali Van Reeth