de Kiyoshi Kurosawa
Hong Kong/Japon/Pays-Bas, 1h59, 2008.
Festival de Cannes 2008, sélection Un Certain regard, prix du jury.
Sortie en France le 25 mars 2009.
avec Koji Yakusho, Teruyuki Kagawa, Kyôko Koizumi.
Un film à la fois grave et fantaisiste qui raconte comment des événements extérieurs viennent bousculer la vie réglée d’une famille japonaise et lui redonnent une raison d’être.
Kiyoshi Kurosawa est un réalisateur japonais contemporain, à ne pas confondre avec son illustre prédécesseur, Akira Kurosawa. Produisant un film par an depuis 30 ans, Kurosawa le jeune s’est spécialisé dans des films fantastiques, maniant la violence et l’angoisse à la truelle et se faisant une foule d’admirateurs chez les adolescents (plus ou moins prolongés) qui adorent qu’on leur fasse peur. Il est vrai que Kiyoshi Kurosawa n’a pas son pareil pour révéler les failles technologiques du monde moderne et enfler leur perversité potentielle. Avec Tokyo Sonata, ils risquent d’être franchement déçus. Kiyoshi Kurosawa offre aux spectateurs une petite pause musicale où l’humour, la fantaisie et la tendresse permettent de faire le portrait d’une famille ordinaire dans la société contemporaine japonaise.
Dans cette famille, les parents semblent figés dans les clichés japonais. Le père est un cadre dévoué à son entreprise, impeccablement cravaté dans son costume sombre, rigide à la maison et dans l’éducation de ses deux fils. La mère est douce, soumise et dévouée, se précipite sur le seuil quand il rentre pour lui apporter ses pantoufles et prendre sa veste. Le fils aîné a déjà l’âge d’être un vrai rebelle et, si à table il se laisse servir par sa mère, il a quand même compris que pour fuir cette vie confinée et une société qui offre peu d’espérance, il faut aller se vendre à l’ennemi. Le plus jeune a encore l’âge de la tendresse et des rêves. Quand le père se retrouve brusquement chômeur, le cadre et la gentille photo de famille vont se dégrader. Les quatre personnages se retrouvent seuls, face à eux-mêmes et affrontent avec leur propre destin.
Kiyoshi Kurosawa va alors donner libre cours à la fantaisie, jouant un peu avec les spectateurs qui connaissent son œuvre et ses acteurs mais accessible à tous les autres. On suit émerveillé le parcours de cette mère qui voudrait juste qu’on lui prenne la main pour l’aider à se relever et qui peut enfin étrenner son permis de conduire tout neuf. Le père est touchant dans ses silences, dans cette déchéance qui lui est insupportable et qu’il arrive finalement à surmonter. Car Tokyo Sonata n’est pas un film sombre et désespéré. Kiyoshi Kurosawa : « Ce film met en scène une famille ordinaire dans le Japon contemporain. Je pars d’une situation où les mensonges, le doute et l’incommunicabilité se sont installés dans cette famille. Sans aucun doute, ceci est contemporain et ceci est le Japon. Pourtant, je voudrais montrer une lueur d’espoir à la fin. Puis-je faire cela ? Et si j’y arrive, est-ce que cela sauverait une famille ordinaire ? Je l’ignore. Et comme je l’ignore, j’ai eu le désir de faire ce film. »
Et effectivement, la très jolie dernière scène, où la musique et son langage universel permettent à chacun de trouver enfin une espérance et une réconciliation, permet de croire qu’il est possible de sauver une famille. Peu importe alors qu’elle soit japonaise ou non.
Magali Van Reeth