de Fabienne Godet
France, 1h45, 2008.
Berlinale 2009, section Forum.
Sortie en France le 8 avril 2009.
documentaire, avec Michel Vaujour.
Un documentaire sur Michel Vaujour ? On peut être surpris. Ce nom évoque un grand bandit et surtout, une évasion spectaculaire par hélicoptère, de la cour de la prison de la Santé. Mais qui est vraiment cet homme et pourquoi s’intéresser à lui ?
Les éventuelles réticences du spectateur s’envolent vite, elles aussi, dès les premières minutes du film. Aucune complaisance, aucun romantisme vis-à -vis de cet homme peu ordinaire, au parcours étonnant. La réalisatrice, Fabienne Godet, s’en explique : « Je ne soutiens pas ce que Michel a fait mais je tente de comprendre sans juger comment l’enfant qu’il était est devenu cet homme dangereux. En revanche, je soutiens son parcours à la lumière de ce qu’il est devenu aujourd’hui. D’où lui vient sa capacité à trouver de la vie au coeur d’un processus de destruction ? Le film s’ouvre et se referme par une célébration de la vie, et de » la beauté de ce qui nous est offert « . Or cet homme a passé près de la moitié de son existence en prison : 27 ans, dont 17 d’isolement. Qu’est-ce que c’est, au juste, de ne pas pouvoir toucher quelqu’un pendant tant d’années ? Comment se fait-il qu’il ne soit pas devenu fou, qu’il n’ait pas été broyé ? C’est ce mystère de la résilience que j’essaie de percer. »
Il y a bien sûr l’énumération des évasions réussies (qui à elles seules valent un roman), l’itinéraire d’un jeune homme que les mauvaises fréquentations et les erreurs successives acculent aux peines de plus en plus lourdes. Mais le film est remarquable sur un tout autre plan. Peu à peu, nous découvrons un homme à la détermination hors du commun. Certes, au départ, il s’agissait juste de préparer une nouvelle évasion. Mais entendre Michel Vaujour dire que dans sa cellule, il ne voulait rien, ni livres, ni journaux, ni télévision pour que rien ne l’empêche de penser à son plan, c’est découvrir qu’on est face à un homme hors du commun. Privé de liberté pendant presque 30 ans, Michel Vaujour a développé des facultés de concentration extraordinaires. Si, longtemps, cette puissance mentale lui a permis de s’évader, dans tous les sens du terme, elle lui a permis ensuite de récupérer des facultés corporelles détruites après un accident. Muscle après muscle, Michel Vaujour a récupéré tout l’usage de sa jambe et de son pied et a pu se remettre debout alors que les médecins l’avaient condamné à la chaise roulante.
On comprend alors la force de cette détermination. S’évader pour quitter les murs de la prison, oui. Mais aussi s’évader pour se débarrasser du mal qui est physiquement en soi. Après avoir vaincu la paralysie des muscles, Michel Vaujour est prêt s’évader de son propre personnage de bandit, à la fois minable (parce qu’il se fait toujours reprendre) mais aussi capable d’une certaine rigueur morale (il n’a jamais tiré un coup de fusil). Arrivent alors les dernières années d’incarcération où il prépare non plus une autre évasion mais sa véritable libération. Toute la force de son corps et de son esprit s’attache alors à s’extraire de lui-même, de ses erreurs, de son égoïsme, de son attachement aveugle à une éphémère liberté. Michel Vaujour s’applique à devenir un autre homme et le documentaire nous permet d’approcher cette détermination qui est d’abord une extraordinaire force spirituelle. Illustration de ce que les chrétiens peuvent appeler la foi, celle qui fait déplacer les montagnes
A la fin du film, on ne peut pas forcément dire que le personnage nous est devenu plus sympathique. Mais on ne peut s’empêcher d’être admiratif devant une telle force de caractère, devant ce parcours qui laisse pantois. Ne me libérez pas je m’en charge est d’abord le récit d’un homme qui a réussi à se libérer de lui-même et à atteindre une paix intérieure que peu de grands philosophes connaissent. Un film qui montre qu’il est possible de changer le cours des choses et le fond de l’âme humaine.
Magali Van Reeth