de Ken Loach
Royaume-Uni/France/Italie/Belgique, 1h59, 2008.
Sélection officielle Festival de Cannes 2009, prix du Jury œcuménique.
Sortie en France le 27 mai 2009.
avec Steve Evets, Eric Cantona.
Quand un grand footballeur très médiatique rencontre un grand réalisateur plus occuper à défendre les exclus du monde moderne qu’à faire briller les vedettes devant sa caméra, cela donne. un prix œcuménique au Festival de Cannes !
Malgré ce que certains articles de certains journaux britanniques écrivent, les Anglais adorent la France. Ils achètent les maisons qui tombent en ruine dans des villages désertés, auxquels ils redonnent vie. Quand un des meilleurs footballeurs français n’est pas sélectionné en équipe nationale pour la coupe du monde, ils l’accueillent chez eux à bras ouvert et en font un mythe. C’est ce qui est arrivé à Eric Cantona, accent rocailleux du Sud-Ouest et personnalité ingérable, qui a vécu une passion sans égale avec le public dès qu’il a foulé le sol anglais pour jouer au Manchester United. Le foot, là -bas, c’est sacré et Cantona est devenu un Dieu – dans les gradins, on en parle encore. Et quand on est aussi célèbre et populaire (et sans doute un peu riche), on peut faire beaucoup de choses, y compris tourner un film avec un des plus grands réalisateurs du moment, Ken Loach.
Pourtant Ken Loach, palme d’or en Cannes en 2006 avec Le Vent se lève, ne tourne jamais avec des vedettes mais des acteurs professionnels, de ceux qu’on ne reconnaît pas dans la rue. Mais il aime le foot et il a sans doute gardé un cœur d’enfant sous ses cheveux blancs et accepté cette étrange demande de Cantona : lui donner un rôle dans un de ses films. Que les cinéphiles se rassurent tout de suite, ce n’est pas un documentaire sportif, encore moins une publicité à la gloire de Délaissant le ton du drame, Ken Loach et son vieux complice, le scénariste Paul Laverty, nous offrent un joli film où les supporteurs d’une équipe montrent qu’ils ont de grandes qualités humaines. Tout en se moquant gentiment des travers de Cantona, ils font de sa simple présence un facteur de rêve qui renforce le côté magique de l’histoire. Looking for Eric est un film d’hommes, hommes empêtrés dans leurs travers masculins mais hommes qui savent s’épauler ou reconquérir la femme de leur vie dans des conditions plus que rocambolesques. Du cinéma qui fait tourner la tête et battre le cœur. Avec humour et émotion. Ken Loach n’oublie pas pourtant de dénoncer au passage la détresse des jeunes gens privés d’avenir dans une société de plus en plus compétitive, où les valeurs s’effondrent devant l’attrait de l’argent, où la violence fait sa loi.
Le Jury oecuménique, qui fêtait son 35ème anniversaire à Cannes, a primé Ken Loach qui avait déjà reçu ce prix en 1995 pour Land and Freedom. Présidé par le réalisateur Radu Mihaileanu (France), avec Alina Birzache (Roumanie), Claudette Lambert (Canada), Serge Molla (Suisse), Federico Pontiggia (Italie) et Jean-Michel Zucker (France), il a récompensé Looking for Eric « Pour sa grande qualité artistique et son approche humoristique, optimiste et humaniste de la société contemporaine en pleines crises. Le film exalte des valeurs mises à mal de nos jours comme l’amitié, la solidarité, le sens de la famille, le dialogue tant intérieur que tourné vers l’autre. Ce que résume une éloquente réplique du mythique Cantona : « La plus belle action dont je me souviens n’est pas un but, mais une passe« .
Malgré la présence de Cantona et le ton de comédie, quelques scènes peuvent heurter les jeunes spectateurs. Les footballeurs resteront peut être sur leur faim (rien n’est dévoilé des ficelles du grand Eric) mais se reconnaîtront à coup sûr dans le personnage principal qui sait pleurer dans un stade de foot mais pas dans les bras d’une femme Pour le reste du public, Looking for Eric est un joli moment de rêve, d’amitié et d’espérance.
Magali Van Reeth