de Nassim Amaouche
France, 1h15, 2009.
Festival de Cannes 2009, grand prix de la Semaine de la critique.
Sortie en France le 22 juillet 2009.
avec Yasmine Belmadi, Jean-Pierre Bacri, Dominique Reymond, Sabrina Ouazini.
Un très beau film sur la vie ordinaire dans un petit village de France où l’ennui guette ceux qui n’ont pas de travail mais où le bonheur est encore possible. Emouvant et original.
Justement récompensé par le Grand prix de la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2009, Adieu Gary est un film qui met l’exigence artistique au service d’un propos politique. Pour constater l’échec du capitalisme, le jeune réalisateur français Nassim Amaouche place une fiction dans un décor étonnant et mélange l’humour, la gravité et la poésie dans un mélange plutôt réussi.
L’originalité du film, c’est d’abord une ambiance étrange qui doit beaucoup au lieu. A la fois village traditionnel du sud de la France mais aussi friche industrielle, vestiges livides d’une humanité qui attend dans l’ennui une disparition programmée. Dans d’immenses bâtiments vides, qui se dégradent lentement, on tente de vivre sans ce qui a disparu. Le travail, l’insouciance, les années riches de la consommation. Les êtres qu’on aimait autrefois et qui ne sont plus, morts ou partis, le manque est là . Mais il n’est pas nommé. Comme ces fantômes qui traversent nos rêves, comme ses héros de cinéma, si proches et si lointains. Le « Gary » du titre fait référence à Gary Cooper qui, pour le réalisateur, représente le mythe triomphant du rêve capitaliste.
Les personnages qui déambulent dans ce décor sont à la fois proches et décalé, des « nous-mêmes » à travers le prisme de la fiction, qu’on contemple avec tendresse. Le jeune homme qui sort de prison et veut retrouver du travail (mais aussi bien payé et peu fatiguant que le trafic de drogue, sans les risques toutefois, ça court pas les rues). L’ouvrier au chômage qui continue à réparer car c’est ce qu’il fait de mieux (les machines outils, les robinets, les hématomes, les cœurs brisés). Le café qui fait du lien social et des alcooliques, l’ancien local syndical transformé en mosquée et l’argent qui, dans les mains habiles d’un prestidigitateur, passe d’une main à l’autre sans qu’on s’en aperçoive.
Tout le ton du film est résolument optimisme, avec de l’humour, « pour donner un peu de dignité à l’ensemble » comme le dit très justement Nassim Amaouche. Film politique qui montre, avec mélancolie plus qu’avec rage, cet ennui infini qui suinte de la lente dégradation des lieux de travail jusque dans l’âme de ceux qui n’ont plus de travail ni de motivation. Film poétique où tout devient beau quand on sait regarder avec amour et malice, où la lumière enchante chaque scène et où le cinéma fait de la magie. Film contemporain qui s’amuse avec les codes du western, s’ouvre sur une rocambolesque sortie de prison et s’achève par un départ vers un autre rêve. Mais aussi film qui fait la part belle aux acteurs. La beauté solaire de Yasmine Belmadi lui permet de se couler parfaitement dans ce rôle de cow-boy déchu qui tente de se racheter. Jean-Pierre Bacri, enfin dans un rôle où il n’a pas à faire la gueule pendant 1h30, Dominique Reymond, toujours parfaite et quelques acteurs au physique qu’on ne voit pas souvent, que ce soit l’adolescent mutique ou l’handicapé en fauteuil roulant. On aime ce mélange des personnalités si différentes qui font réellement « corps » ensemble et donne à Adieu Gary une émotion particulière.
Magali Van Reeth
Signis