CINE : Non ma fille, tu n’iras pas danser

de Christophe Honoré

France, 1h45, 2009.

Sortie en France le 2 septembre 2009.

avec Chiara Mastroianni, Marina Foïs, Marie-Christine Barault, Fred Ulysse, Jean-Marc Barr, Louis Garrel.

Portrait d’une génération en plein désarroi, où les relations à  l’intérieur de la famille sont le reflet des malaises de chacun, avec dans le rôle principal, la délicieuse Chiara Mastroianni.

fille3.jpgDepuis 2002, le jeune réalisateur français Christophe Honoré a déjà  réalisé 7 films et a été plusieurs fois sélectionné au festival de Cannes. Prolifique certes mais aussi talentueux. On peut ne pas aimer sa tentative de comédie musicale (Les Chansons d’amour, 2007), trouver agaçant son penchant pour la Nouvelle vague (Dans Paris, 2006) ou pour les classiques à  la mode (La Belle personne, 2008, d’après le roman de Mme de La Fayette) mais Ma mère, d’après le roman de Georges Bataille (2004) reste un grand film et on apprécie qu’il explore plusieurs genres et tente, à  chaque nouvel essai, de tester les limites du cinéma.

Si, au premier abord, Non ma fille, tu n’iras pas danser semble assez classique, il est étonnant sous plusieurs aspects. Sur la forme d’abord puisqu’il introduit dans la narration, et avec beaucoup de naturel, un conte populaire qui donne son nom à  une chanson traditionnelle et au titre du film. « Non ma fille, tu n’iras pas danser » est un intermède chanté et dansé donnant au film un côté fantastique et onirique qui met en lumière un aspect de la personnalité du personnage principal. Et à  travers cette clé de lecture, on réalise que Christophe Honoré porte un regard très acerbe sur le monde dans lequel il évolue, notamment en ce qui concerne les relations affectives.

A travers le portrait d’une jeune femme, Lena, le réalisateur parle de sa génération, les 30/40 ans. Avec une certaine tendresse – Lena reste malgré tout sympathique – il met en avant les inconséquences et l’immaturité de ces jeunes adultes qui ratent tout, à  trop vouloir la perfection dans tous les domaines. Lena, divorcée, chômeuse, ressemble à  une girouette incapable de s’orienter par elle-même. Elle ne supporte pas les interventions de ses parents dans sa vie personnelle, ni celles de son ex-mari dans l’éducation des enfants mais seule, elle gâche tout. Comme beaucoup de jeunes gens de sa génération, elle est très réceptive au discours ambiant matraqué les différents médias – avec ou sans le recours de la publicité – les « j’y ai droit », « je le vaux bien » et « yes we can » pris ici comme un dû et non pas comme un but à  atteindre.

Resserré sur les relations familiales à  l’occasion de quelques jours de vacances passés ensemble, Lena peut déclarer qu’elle a besoin de plus d’espace que les autres pour respirer et faire de son égoïsme une vertu d’épanouissement. Autour d’elle, chacun a aussi une vie à  vivre et des soucis à  porter mais il faudra l’appel au secours de ses propres enfants pour qu’elle accepte – un temps ? – de constater l’étendu des dégâts. fille4.jpg

Dans le rôle de Lena, Chiara Mastroianni est éblouissante, à  la fois culotté et rebelle lorsqu’il s’agit de revendiquer son accomplisement personnel sur celui des autres, et infiniment fragile. Personnage principal de Non ma fille, tu n’iras pas danser, elle donne à  tout le film une belle sincérité, qui fait parfois défaut dans les autres films de Christophe Honoré. Marie-Christine Barrault joue sa mère et incarne, elle, la stabilité et la tendresse sans pour autant céder à  l’effacement. Marina Foïs est la sœur, très justement de son époque et complétant cet attachant trio de femmes contemporaines. On peut se demander ce que vient faire le personnage du jeune homme joué par Louis Garrel, qui n’apporte pas grand-chose au scénario mais qui est devenu incontournable dans les films du réalisateur

Cela n’entame pas les réelles qualités du film qui pose, avec toute la grâce de Chiara Mastroianni, l’épineuse question de l’équilibre à  trouver, entre abnégation et égoïsme, pour trouver une place harmonieuse au milieu des autres.

Magali Van Reeth

Signis

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