London River

de Rachid Bouchareb

France/Royaume-Uni, 1h28, 2008.

Sélection officielle Berlin 2009, prix d’interprétation masculine pour Sotigui Kouyate et mention du Jury œcuménique.

Sortie en France le 23 septembre 2009.

avec Brenda Blethyn, Sotigui Kouyate, Sami Bouajila.

Aux cours d’événements dramatiques, deux personnes très différentes se voient obligées de cheminer ensemble. L’histoire émouvante d’une rencontre, au-delà  des cultures, des langues et des religions.

london2.jpgLondon River est un film simplement remarquable. Il traite avec beaucoup de pudeur et de justesse des sujets graves et souvent périlleux lorsqu’on veut les porter à  l’écran. L’histoire racontée a pour origine les attentats terroristes de Londres en juillet 2005. Le film commence par montrer deux personnages en prière. Elizabeth est blanche, britannique et vit à  Guernesey. Elle se rend, sereine et joyeuse au culte du dimanche dans sa petite communauté protestante. Ousmane est noir et musulman, il est originaire d’un pays d’Afrique et vit dans le sud de la France. On le voit prier dans un champ d’oliviers. A cause du silence de leur enfant, étudiant à  Londres, tous les deux vont partir pour un douloureux voyage.

Chacun de leur côté, puis ensemble, ils vont vivre le douloureux itinéraire de la recherche de personnes disparues au cours d’un attentat. La peur, le doute, le chagrin. Mais au-delà  de ces événements particuliers, ils vont aussi vivre une rencontre bouleversante, au-delà  des préjugés. Chacun apprenant un peu plus sur son enfant, sur l’autre mais aussi sur lui-même.

Pour ce film, beaucoup plus intimiste qu’Indigènes, et qui était d’abord destiné à  la télévision, Rachid Bouchareb voulait tourner avec l’actrice britannique Brenda Blethyn (prix d’interprétation à  Cannes en 1996 pour Secrets et mensonges de Mike Leigh) et il a entendu un an qu’elle soit libre ! C’est la première fois qu’on la voit tourner en français mais on est toujours bouleversé par sa grande humanité et sa simplicité naturelle qui lui permet de jouer madame Tout-le-monde sans aucune fausse note.

L’acteur malien Sitigui Kouyate a reçu, pour son interprétation du personnage d’Ousmane, le prix du meilleur acteur masculin au dernier festival de Berlin. Plus que jamais, sa silhouette décharnée et aérienne, donne au film un supplément d’âme. Issu d’une longue tradition de griots, il sait parfaitement maîtriser son corps pour exprimer les émotions les plus fines. Quand la caméra capte son regard, les mots ne sont plus nécessaires. Son visage et son apparence le rattachent déjà  à  un autre monde, qu’il nous permet de mieux entrevoir à  chacun de ses films.london3.jpg

Rachid Bouchareb évoque la marge de manœuvre laissée aux acteurs : « J’avais écrit l’histoire du film avant de commencer le tournage, mais une fois que l’on a commencé, il y avait de l’improvisation. Les scènes existaient déjà  mais il fallait remplir les détails. Alors quand le personnage de Brenda Blethyn arrive pour la première fois devant la boucherie dans l’immeuble où habite sa fille, par exemple, ou quand elle rencontre Ousmane, sa réaction dans ces scènes n’était pas écrite, ses gestes étaient complètement spontanés. Il y avait d’autres improvisations entre les deux personnages principaux, des scènes qui n’étaient pas écrites à  l’avance. Par exemple, quand on les voit en train de partager une pomme, ou quand ils se séparent pour la dernière fois. Je n’aurais pas pu écrire la gestuelle de cette embrassade qu’ils partagent, quand il se tient fort et droit comme un arbre alors qu’elle s’agrippe à  lui. Pareil, je n’aurais pas pu écrire la scène où le personnage de Sotigui Kouyate chante pour consoler Brenda. Ca venait entièrement de lui. Il ressentait le besoin de chanter, alors il l’a fait. Pour moi, cette méthode de travail a produit des moments parmi les plus bouleversants du film. »

Un très beau film sur la tolérance.

Magali Van Reeth
Signis

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