The Hunter (Le Chasseur)

de Rafi Pitts

Iran/Allemagne, 1h44, 2010.

Sélection officielle Berlin 2010.

Sortie en France le 16 février 2011.

avec Rafi Pitts, Mittra Hajjar, Saba Yaghoobi

Dans l’étouffement de la société iranienne actuelle, un homme cherche sa femme et sa fille. Comment envisager le quotidien lorsqu’on est sans cesse traqué ?

Sachant combien il est difficile de tourner un film en Iran, on appréciera de voir The Hunter (Le Chasseur), tourné en rusant avec l’administration et qui a finalement pu profiter du trouble apporté par les élections de 2009. Le film devait être terminé avant les élections mais le retard, dû à  la censure, a permis de tenir compte des mouvements de révolte. Il n’y a pas d’image des manifestations mais le scénario les intègre comme un ressort dramatique.

hunter3.jpgLe film raconte le désarroi d’un homme qui trouve la maison vide lorsqu’il rentre du travail. Où ont disparu sa femme et sa fille avec qui il vivait en harmonie jusqu’alors ? Sa quête le mène devant un mur, mur de silence, de douleur et de colère où, ayant perdu ce qu’il lui permettait de vivre, il va se cogner, entre vengeance et désespoir.

Comme dans de nombreux films iraniens, les voitures et les autoroutes surchargées de Téhéran ont une place particulière. La voiture est souvent le seul espace privatif et sûr pour une population sous surveillance incessante : le pouvoir politique, les codes religieux, les voisins, la police. La voiture permet de se soustraire momentanément à  cette oppression, quitte à  partir très loin dans la forêt, comme le fait Ali, le personnage principal de cette histoire.

Quant aux autoroutes et aux embouteillages, ils sont une métaphore de la société iranienne actuelle. Un pays suffisamment riche et développé pour s’équiper d’infrastructures de communication performantes mais qui ne mènent qu’au chaos quotidien. Ali traverse le film en voiture, perdu entre les entrailles de la forêt et la jungle administrative, traquant les bêtes sauvages et finissant par tirer sur des policiers. hunter2.jpg

The Hunter est un film taiseux, à  l’image du personnage principal, mais où le son est très important et très explicite. Rafi Pitts, à  la fois réalisateur et acteur, fait l’impasse sur les explications verbales pour permettre à  tous les spectateurs d’entrer dans le cœur du film et de chercher, avec le personnage, des portes de sortie dans un espace aussi verrouillé politiquement. Au cœur de la forêt, noyée dans la brume, comme en ville la nuit, le désespoir est palpable, étouffant, sans issue possible.

Le personnage, traqué par la police, comme le réalisateur est traqué par la censure, s’évade par une dernière ruse. Pour Ali, le prix à  payer est immense. Pour Rafi Pitts, comme pour de nombreux cinéastes qui vivent en Iran, il y va aussi de leur survie, dans un état qui ne laisse aucune liberté aux artistes.

Film noir et âpre, The Hunter (Le Chasseur) était en compétition officielle au Festival de Berlin 2010.

Magali Van Reeth

Signis

Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés