de Raphaël Jacoulot
France, 1h44, 2010.
Sortie en France le 2 mars 2011.
avec Jean-Pierre Bacri, Vincent Rottiers, Ludmila Mikael, Sylvie Testud.
Dans un luxueux hôtel de montagne, un jeune homme en quête d’un père, un père qui n’aime pas son fils et une enquête de police pour brouiller les pistes. Un excellent polar à la française !
Avant l’aube se passe pendant les mois d’hiver où la neige recouvre la montagne. Le froid et la blancheur participent au décor mais aussi au déroulement de l’histoire. L’opposition, toujours spectaculaire, entre la pureté si fragile de la neige et la noirceur des hommes, donne le ton. La route, forcément plus dangereuse lorsqu’elle est glissante, donne le rythme. Tous les jours, Frédéric monte de la vallée, pauvre, industrieuse et laide, pour entrer dans l’univers feutré d’un grand hôtel posé dans un magnifique cirque de montagne. Enfin, tout le monde le sait, les cadavres sont mieux dissimulés sous une couche de neige.
Le réalisateur soigne tous les aspects du film. Les costumes, toujours trop grands pour Frédéric jusqu’à ce qu’il enfile celui du mort. Le phrasé de son amie qui travaille dans une usine où on met de l’eau en bouteilles et celui, obséquieux du personnel de la réception. La décoration très froide et élégante de l’appartement de la famille Couvreur. Les détails qui sont des pistes ou des leurres, la lettre de l’agent immobilier, le morceau de phare cassé. Comme dans tous les bons polars, il faut aussi un peu néons anonymes pour maquiller le crime et Avant l’aube fait le détour par l’Andorre, supermarché de la détaxe, de l’alcool à bas prix et du trafic de cigarettes, clin d’œil à Las Vegas et à Hong Kong assumé par le réalisateur.
Les personnages secondaires existent vraiment et ont leur importance, comme Ludmila Mikael, qui joue la femme de Jacques ou Sylvie Testud, inspecteur du SRPJ qui déboule dans le film comme un éternuement, toute en couleur, un peu burlesque, inoffensive. Quant aux deux personnages principaux, c’est un régal de voir Jean-Pierre Bacri, une fois passée la première colère, faire exister son personnage dans un jeu rentré et énigmatique. Un père mal à l’aise avec son fils, bourru avec son propre père. Vincent Rottiers, à force de jouer les racailles sorties de prison, se coule parfaitement dans le rôle. Jeune homme en quête d’un père, d’ascension sociale et de respectabilité, il a un sourire béat devant une belle voiture et l’inquiétude apeurée face au danger.
Mais on apprécie surtout que le réalisateur nous laisse du temps pour penser l’histoire avant qu’elle ne se déroule sous nos yeux, les indices qu’il sème pour ruser ou ouvrir des pistes. Il ne dit pas tout, laisse venir les rebondissements, trainer les interrogations. Les personnages sont complexes. Jusqu’à la fin, Raphaël Jacoulot maitrise le scénario, les acteurs et même le paysage, un vrai bonheur de cinéphile !
Magali Van Reeth
Signis