Il s’appelle Inigo. Ce récit entre biographie et fiction raconte comment il deviendra pour le monde et la postérité Ignace de Loyola.
Mais à l’origine, c’est Inigo, jeune noble et dernier de sa famille, né dans le pays basque à la fin du XVe siècle.
Ignace de Loyola
Inigo, est d’abord un page de cour, qui s’étourdit dans une société ressemblant finalement assez à la nôtre.
« On pouvait en jouir de manière immédiate et forte. On pouvait être remarqué avec certitude. Il suffisait de porter beau, de ne rien céder, d’aller son chemin avec vigueur. Le plaisir d’être vu, vêtu à la dernière mode, de briller dans les concerts, les joutes et dans les lits »
Inigo s’enivre également de romans de chevalerie malgré les sarcasmes de ses compagnons courtisans. Il quitte la cour pour la guerre. En 1521, le voilà soldat, officier. l’Espagne résiste à la France qui a conquis Pampelune dont elle assiège la citadelle. La raison aurait voulu que le combat ne s’engageât pas, les Français dominant en nombre. Mais Inigo pousse ses troupes : péché d’orgueil ? Il éprouve le besoin de s’en confesser à un obscur fantassin.
C’est la défaite annoncée pour les Espagnols et pour Inigo la blessure, avec une jambe broyée par un boulet de canon. On l’abandonne pour finalement le transporter pendant plusieurs jours dans une litière jusqu’au château de Loyola.
La mort le guette. Guérison piteuse puisque les os se sont très mal ressoudés : en lui le courtisan n’est pas mort. Il lui faut retrouver la démarche du page et l’élégance disparue . Pour ce faire Inigo n’a qu’une solution : contre l’avis de tous et avec une détermination hors du commun, il se fait briser la jambe
À nouveau la mort le guettepuis c’est l’ennui quand il revient à la vie.
Alors il demande des livres.
C’est là que tout bascule et que Inigo devient Ignace de Loyola.
On ne dira jamais assez l’importance constructive et déterminante des lectures de jeunesse. Inigo souhaite reprendre le cours des récits de chevalerie qui l’ont nourri naguère. Mais il n’y en pas au château de Loyola. Le seul ouvrage qui s’y apparente est « La Légende dorée » de Jacques de Voragine. Inigo va passer tout naturellement des exploits chevaleresques à ceux de la sainteté. Avec stupéfaction il découvre que les saints ne sont pas « des hommes qui se mortifient pour gagner leur salut » mais de véritables héros. Inigo, veut les suivre
Le lecteur qui a eu la chance de pratiquer les Exercices spirituels sera étonné de découvrir à quel point la pédagogie des Exercices est déjà présente dans cet acte fondateur. Car Inigo découvre le Christ comme un homme, en chair et en os, profondément humain, complètement vivant. C’est une révélation.
C’est ainsi qu’il se lance pour lui-même dans ce formidable travail de discernement qui fait la force des Exercices. Cela l’entraîne dans une aventure spirituelle. Il part sur les routes, fait des rencontres, se fourvoie dans la quête, connaît le désespoirIl va éliminer les fausses pistes comme la mortification car c’est le démon qui l’attend.
Et puis un jour c’est la révélation : Dieu est déjà et depuis toujours présent à nous. Il faudra apprendre aux hommes à reconnaître les manifestations de Dieu, en faire l’expérience : cela s ‘appelle discerner.
Ainsi sont nés les Exercices dont la méthode est déjà présente à Inigo encore en recherche..
« Il trouva la parabole du Samaritain. Il l’avait lue jusqu’à présent comme une incitation à ressembler au Samaritain, qui panse les plaies du blessé laissé pour mort par des brigands sur la route. Cette fois il se vit à la place du blessé , dépouillé par l’Adversaire, qu’un étranger relève, panse et conduit à l’auberge pour qu’il y reprenne des forces. »
Lire une scène de l’Évangile en choisissant le point de vue d’un des personnages est encore aujourd’hui l’une des clés de la pratique spirituelle ignatienne.
C’est ainsi que le récit de François Sureau se lit comme un roman d’aventure. L’écriture est superbe, sobre et limpide. D’une phrase il crée une atmosphère : « À Pampelune on attendait la bataille. Dans la ville, entre la la rivière et les hauts murs de la forteresse, régnait le curieux silence qui précède la guerre, quand le temps est suspendu et que seuls s’entendent ici et là les bruits révélateurs de l’inquiétude, un volet qui claque, un enfant qu’on appelle, une course éperdue dans les ruelles ; puis il retombe. » Et d’une formule il marque une étape significative. « Le temps des madrigaux s’achevait. »
On revanche on peut éviter l’épilogue : un boulet accroché à un bijou. L’auteur s’y enlise dans des commentaires sans intérêt, faits de clichés éculés sur l’Église et les Jésuites.
Mieux vaut rester sur ce passionnant récit d’une immense aventure humaine et spirituelle.
Marie-Paule Dimet
[->http://theatrummundi.hautetfort.com/archive/2010/11/17/inigo-de-francois-sureau.html]
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