de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Belgique/France/Italie, 2010, 1h27
Sélection officielle, Festival de Cannes 2011
Sortie en France le 18 mai 2011.
avec Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Regnier.
Pour un enfant, un vélo c’est le début de l’autonomie, du parcours qu’on fait seul, en décidant du rythme et de la vitesse. Dans ce film, ce n’est plus un jeu, mais une course effrénée pour trouver un peu d’affection, pour combler une absence.
Les frères Dardenne sont des habitués de longue date du Festival de Cannes, leurs films étant toujours en compétition, bien qu’ils soient à l’opposé des clichés cannois. Leur cinéma parle des gens simples, de ceux qu’on voit à peine dans la vraie vie, les marginaux, les délaissés du système capitaliste, les petits, qui vivent à l’ombre de la gloire et de l’argent. Grâce à la caméra des Dardenne, ces vies simples et ordinaires deviennent sources de fiction. La dramaturgie du cinéma est au seul service de ces humbles personnages dont la vie est filmée comme une aventure unique. Les Dardenne ont reçu deux fois la Palme d’or, pour Rosetta en 1999 et pour L’Enfant en 2005 : preuve que l’œuvre artistique et l’élan humaniste ont bien droit de cité à Cannes.
Les réalisateurs tournent toujours là où ils vivent, dans une Belgique laminée par le chômage et ignorée des touristes, et généralement avec des acteurs inconnus du grand public. Envers qui ils restent fidèles. Olivier Gourmet et Jérémie Regnier (qui avait 15 ans dans La Promesse) ont grandi avec eux. Cette fois, ils ont fait appel à une vraie vedette, leur compatriote Cécile de France. Comme elle le dit elle-même : « Côté coiffure, maquillage et costume, c’était version minimum, ce qui m’allait très bien ! »
Le Gamin au vélo est l’histoire d’un enfant abandonné par son père. Placé dans un foyer, Cyril se rebelle contre cette vie et met toute son énergie pour combler cette absence. Comme un insecte affolé par la lumière se cogne aux parois de verre de la lampe, il se heurte aux lois du monde, se trompe de cible et, croyant faire mal aux autres, ne blesse que lui-même.
Le vélo, comme autrefois la mobylette de La Promesse, comme la poussette de L’Enfant, est à la fois le véhicule et le symbole du déplacement à l’image et dans la vie. Le vélo de Cyril le rattache à son père et lui permet de trouver Samantha, qui veut bien l’aider. Avec ce vélo, il va et vient, traversant l’écran en tous sens, affolé par l’enchainement des événements dont il est à la fois le protagoniste et la victime.
Le jeune Thomas Doret est confondant de naturel dans le rôle de Cyril, en guerre contre son absence de père, pour une affection qu’il ne sait plus voir à force d’en avoir été privé. Et Cécile de France est toujours juste dans son rapport avec cet enfant qui lui est tombé dessus. Le film n’explique pas tout, ni pourquoi elle le recueille avec tant de conviction, ni comment Cyril est arrivé au centre. Le Gamin au vélo prend les acteurs et les spectateurs là où ils sont, dans le présent, dans une histoire immédiate qui se déroule entièrement sous nos yeux, laissant à chacun le soi de combler les vides en fonction de son histoire.
Un cinéma délicat, fluide, d’une simplicité touchante où l’émotion affleure sans outrance.
Magali Van Reeth
Signis