de Nadine Labaki
France/Liban, 1h50, 2011.
Festival de Cannes 2011, sélection Un Certain Regard, mention spéciale du prix oecuménique.
Sortie en France le 14 septembre 2011.
avec Claude Msawbaa, Leyla Fouad, Antoinette El Noufaly.
Ancrée dans la réalité libanaise, une comédie savoureuse et débridée porte, avec un groupe de femmes, l’espérance de la paix et de fraternité dans un pays débordé par la violence interne.
Remarquée en 2007 avec son premier long métrage Caramel, Nadine Labaki est revenue à Cannes en 2011 avec Et Maintenant on va où ? dans la sélection Un Certain Regard. Peu de cinéastes travaillent au Liban, pays en guerre depuis des années. Mais pour la jeune réalisatrice, il est important de dire la réalité du quotidien et d’ancrer son travail au cœur de la culture et de l’actualité de son pays.
Ravagés par des attentats meurtriers, brisés par des guerres de clans, séparés par des querelles religieuses et ravagés par le conflit entre Israël et la Palestine, les Libanais aiment leur pays et cherchent, notamment à travers la création artistique, à comprendre l’origine de cette violence pour pouvoir la contourner. Avec ce film, Nadine Labaki rappelle combien le rôle des femmes (mères, épouses, sœurs ou amantes) est essentiel pour contrer la violence culturelle des hommes.
L’action se déroule dans un petit village où cohabitent chrétiens et musulmans. Les femmes vivent dans une joyeuse et chaleureuse harmonie, plaisantant sans retenue sur leurs physiques, leurs vêtements ou leur vie amoureuse mais avec un grand respect des différences religieuses, des deuils nombreux que porte chacune. Les hommes sont des blocs de violence et d’orgueil, prompts à s’enflammer au moindre soupçon, à la plus légère maladresse Usées par la douleur, les femmes s’organisent pour ramener la paix au village.
Tourné comme une comédie, avec une galerie de personnages croustillants, Et Maintenant on va où ? est un moment de grâce pour le spectateur. La liberté de ton de ce groupe de femmes est un vrai bonheur, provoquant aussi bien l’éclat de rire que l’émotion ou l’admiration. Les passages tournés en comédie musicale, sur fond de musique orientale bien sûr, sont d’une justesse incroyable. La première scène a la force d’une allégorie de peinture classique, dont le titre serait « Femmes en noir allant au cimetière ». Une chorégraphie psalmodiée, un paysage aride, le Moyen-Orient biblique et la beauté éternelle des femmes qui cognent contre la violence stupide des hommes. Un grand moment de cinéma !
Du cinéma aussi tout au long de ce film, dans le soin apporté à la lumière, aux cadrages et à la fluidité des scènes de groupes. Car il n’y a pas un personnage principal dans Et Maintenant on va où ? mais des groupes de personnes qui agissent ensemble. Dans ce village libanais, comme dans tout le pays, les relations se tissent de clan à clan. On appartient à une religion, à un village, à une famille, à un groupe de femmes, à une bande de jeunes. Une solidarité et une chaleur indispensable mais dont il est difficile de s’extraire pour changer les habitudes de méfiance et d’intolérance.
Au Festival de Cannes 2011 où le film était présenté dans la sélection Un Certain Regard, il a obtenu le prix François Challais et une mention du prix du Jury œcuménique, avec le commentaire suivant : « Les habitantes d’un petit village isolé sont prêtes à tout pour préserver la paix entre les deux communautés qui y cohabitent. Avec beaucoup de finesse et de tact, Nadine Labaki réussit une fable poétique en équilibre délicat entre comédie et tragédie, suscitant une émotion tournée vers l’espoir. »