Il était une fois en Anatolie

de Nuri Bilge Ceylan

Turquie/Bosnie, 2h37, 2011.

Sélection officielle Festival de Cannes 2011, grand prix du jury.

Sortie en France le 2 novembre 2011.

avec Yilmaz Erdogan, Taner Birsel, Ahmet Mumtaz Taylan

C’est en se dépliant, avec des images lumineuses, que cette enquête policière dans la campagne d’Anatolie, révèle tous les secrets de ses protagonistes, et la complexité de nos rapports au Bien et au Mal.

Les précédents films de Nuri Bilge Ceylan, Uzak (2004), Les Climats (2007) ou Les Trois singes (2009) étaient empreints d’une grande noirceur, et même de désespoir, ce qui les rendaient un peu difficile d’accès malgré leur grande qualité artistique. Avec Il était une fois en Anatolie, le réalisateur semble avoir trouvé une sorte d’apaisement, au moins dans sa façon de filmer. A l’image de l’ouverture irradiante de la première scène, un parfait moment de cinéma qui plonge le spectateur dans un état contemplation lumineuse. L’or de la campagne au crépuscule, se reflétant sur la paille claire des champs moissonnés, est la promesse que le désespoir, cette fois, sera tenu à  distanceanatolie3.jpg

Sous l’apparence d’un film policier, Il était une fois en Anatolie met en scène un groupe de personnages qui cherche, non pas le coupable mais le corps de la victime. C’est une longue errance dans la nuit et sur les petites routes. On cherche un corps, on cherche des réponses, on avance sans hâte et avec beaucoup de circonvolutions. A travers des conversations anodines, des petits gestes, les erreurs et les doutes, les personnages prennent forme. Le rythme du film colle à  cette lenteur et à  ces hésitations mais recèle d’incroyables rebondissements.anatolie2.jpg

Comme un triptyque, le film se déploie autour d’une scène centrale. Chaque partie ou tableau étant articulés aux autres, indépendant et complémentaire. Celui du milieu, dans la peinture religieuse, étant le lieu de la sanctification… On commence à  gauche par la genèse de l’histoire, un crime reconnu par tous, y compris par son auteur, qui permet d’entrer dans le quotidien de cette petite bourgade rurale d’Anatolie. Dans la partie centrale, une scène magnifique, presque merveilleuse. On est au milieu de la nuit, les personnages s’assoupissent, les spectateurs aussi, et soudain, une apparition, un ange, nous électrise. La jeune fille qui sert le thé est une incarnation de la grâce, de la beauté et du Bien. Un merveilleux moment de cinéma. Ensuite, sans qu’on s’en rende vraiment compte, le film change de quête et c’est une autre disparation qui vient sur le devant de la scène.anatolie5.jpg

Nuri Bilge Ceylan soigne les très belles images de ce film et, avec un subtil enchainement de micro-événements, arrive à  un dénouement qui n’est plus celui recherché au début du film. Comme dans ses précédentes réalisations, il questionne la duplicité de la nature humaine et la façon dont nous percevons le Bien et le Mal. Mais cette fois, sans amertume ni désespoir comme le montre la scène finale. Nous sommes revenus dans le village où la vie ne cesse pas, où les enfants jouent au ballon et continuent d’avancer, plein d’espérance, dans les chemins tracés par leurs pères. Un grand film, simple en apparence, beau jusque dans les moindres détails et qui bouscule la conscience des spectateurs.

Magali Van Reeth

Signis

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