de Jean Sagols
France, 1h50, 2011.
Sortie en France le 30 novembre 2011.
avec Katia Miran, Michel Aumont, Alessandra Martinez, Nicolas Joubet, Francis Huster, Rufus.
A travers l’histoire d’une jeune fille très ordinaire qui voit apparaître une « belle dame », les débuts du sanctuaire de Lourdes, racontés avec simplicité.
L’histoire de cette Bernadette-là est celle de Bernadette Soubirous, jeune fille pauvre et illettrée vivant à Lourdes à la fin du 19ème siècle. Une des saintes les plus populaires de l’Eglise catholique et la fondatrice d’un lieu de pèlerinage connu dans le monde entier. Après les apparitions, le petit village de Lourdes est devenu l’une des plus grandes destinations touristiques de France, où passent chaque année plus de trois millions de personnes.
Le film est une belle leçon de catéchisme, avec une image soignée, des costumes d’époque, de bons acteurs. Katia Miran est une Bernadette pleine de vie, d’humilité et de détermination. Son sourire radieux est suffisant pour faire oublier qu’elle est sans doute trop bien habillée pour le rôle. La vérité historique et les positions de l’Eglise d’alors sont parfaitement respectées.
Avec subtilité, Je m’appelle Bernadette rappelle que dans la crédibilité de la jeune fille, il y a aussi un problème de société. A cette époque, si on est pauvre, c’est un châtiment divin, on est responsable de la misère dans laquelle on vit, pour une faute qu’on a sans doute commise. Les pauvres sont encore tenus responsables de leurs mauvaises conditions de vie et les notables de Lourdes se demandent bien comment « ces gens-là font pour vivre dans une maison aussi insalubre ». La bonne bourgeoisie catholique du 19ème siècle, qui a une interprétation très personnelle des paroles du Christ, est convaincue qu’une jeune fille pauvre et illettrée ne peut pas être digne de telles apparitions. Enfin, c’est une époque où, en France, l’Eglise catholique et l’état sont encore liés.
On sait combien il est difficile de rendre crédible à l’écran une apparition. On espère donc un temps que nous ne pourrons la vivre qu’à travers le regard de Bernadette, qui exprime bien le ravissement et la stupéfaction heureuse. Hélas, en choisissant de nous montrer « les apparitions », telles que décrites par Bernadette, on enlève au spectateur la force de l’imagination en lui imposant la déception de la réalité.
Depuis ses débuts, le cinéma se heurte à cette impasse, notamment dans les sujets religieux. Le miracle a toujours fasciné les réalisateurs, même les plus laïques et les apparitions sont le sujet même du cinéma : comment montrer ce qu’une seule personne voit ou ressent ? Comment montrer l’invisible et le rendre crédible à travers l’émotion ? Le mystère est une affaire de mise en scène et de « foi » : le réalisateur met en œuvre son talent pour faire « croire » le spectateur à l’incroyable, pour l’emmener dans des voies qu’il ne soupçonnait pas, pour lui « ouvrir les yeux », c’est-à -dire le bouleverser profondément et le « convertir ».
Je m’appelle Bernadette est un film agréable et honnête qui raconte une belle histoire. Mais on regrette que, pour un film religieux, il manque autant de souffle et de conviction. La mise en scène, trop appliquée, ne laisse jamais la transcendance apparaître. Soucieuse de raconter une histoire sans heurter les catholiques et le grand public, la réalisation ne dit rien sur le mystère de la foi.