de Walter Salles
Etats-Unis/France/Royaume Uni, 2012, 2h20
Festival de Cannes 2011, sélection officielle, en compétition.
Sortie en France le 23 mai 2012.
avec Garrett Hedlund, Sam Riley, Kirsten Steward, Kirsten Dunst, Viggo Mortensen.
A travers les vastes territoires des Etats-Unis, un jeune homme cherche le sens de la vie, fasciné par ceux qui savent se brûler les ailes, inquiet quant à son avenir. Un beau et terrible voyage.
Le réalisateur brésilien Walter Salles a déjà filmé un long voyage, Carnets de voyage, prix œcuménique au Festival de Cannes 2003. Deux amis, Ché Guevara et Alberto Granado traversaient le sud du continent américain, découvrant une réalité sociale et politique qui allait déterminer leurs futurs engagements. Cette fois, le voyage parcoure le nord du continent et s’appuie sur le roman éponyme de Jack Kerouac.
Paru en 1957, le roman s’inspire des voyages entrepris par l’auteur entre 1947 et 1950. C’est le portrait d’une jeunesse prête à tout essayer pour se sentir vivre, une période en pleine mutation où les Etats-Unis, entre la fin de la Seconde guerre mondiale et le début de guerres de Corée et du Vietnam, vit encore sous le régime de la ségrégation raciale.
Comme dans tous les films de voyage, Walter Salles insiste sur la beauté grandiose des paysages traversés, la somptuosité des lumières naturelles, la durée mélancolique des étapes. Mais s’il a choisi de s’inspirer du roman de Jack Kerouac, c’est avant tout pour la portée politique de ce voyage.
Sur la route n’est pas un guide touristique. Il dresse le portrait d’une génération de jeunes gens qui refuse le mythe américain de ses ancêtres. Au 19ème siècle, les colons ont traversé le territoire de l’Amérique du nord, d’est en ouest, pour le conquérir au nom d’un idéal politique. Pour le Manifest Destiny, lancé au moment de la guerre contre le Mexique dans les années 1840, la suprématie blanche et anglo-saxonne se voulait une mission divine et inéluctable.
Les protagonistes du roman et du film, Sal, Dean et Marylou, sont en quête de voyages, d’aventures. Non pas pour conquérir un autre monde mais pour le découvrir. Dans un joyeux désordre (drogues, alcools, amours libres et mépris de la morale bourgeoise), ils vont rencontrer d’autres façons de vivre, écouter d’autres musiques, habiter les espaces avec ceux qui vivent en marge de la société traditionnelle.
Hantés par la disparition de leurs pères, Sal et Dean cherchent une rédemption dans le territoire, dans la fuite, dans l’oubli. Ils expérimentent la notion de liberté jusque dans ses moindres recoins, jusqu’à se faire mal. L’un saccage l’amour, l’autre est incapable de le trouver. Tous les deux savent qu’ils doivent façonner seuls leur avenir et seul Sal trouvera le salut dans l’écriture, qui donne un sens à sa quête. Sur la route est aussi l’éclosion d’un écrivain qui a su capter cette époque trouble, ces personnages si fragiles dans leurs excès.
Ce film est une célébration des grands espaces, non plus comme un territoire à conquérir mais un pays à aimer tel qu’il est, avec tous ses habitants et la complexité des cultures et des langues. Un manifeste pour la diversité et l’envie d’emprunter les chemins de traverse.
Magali Van Reeth
Signis