de Benoît Delépine et Gustave Kervern
France, 2011, 1h31
Festival de Cannes 2012, sélection Un Certain Regard.
Sortie en France le 6 juin 2012.
avec Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Brigitte Fontaine
Sous un mode décalé et ironique, les aventures de deux frères en marge de la réussite, lâchés dans les paysages de la consommation et de la rentabilité. Une belle ode à ceux qui prennent de plein fouet la crise économique.
Contrairement aux médias internationaux et aux gouvernants qui, en ces temps de crise financière, essayent d’appeler à la raison et à l’abstinence le grand public, la plupart des réalisateurs sélectionnés pour la 65ème édition du Festival de Cannes, sont entrés en résistance contre cet appel à la rigueur économique qui touche essentiellement les plus pauvres, ceux qui sont déjà exclus, malades, sortis du système scolaire, en marge
Parmi eux, les deux réalisateurs français du Grand soir, Benoît Delépine et Gustave Kervern. Rien d’étonnant à cela, si on se souvient de leurs deux précédents films, Louise-Michel (2008), réquisitoire mordant contre les spéculateurs et Mammuth (2010) longue errance d’un travailleur précaire à la recherche de ses points retraite. Avec de l’humour, un brin de surréalisme et un soupçon de radicalisme, les réalisateurs enfoncent le clou.
Le Grand soir, référence à l’avènement d’une utopie politique, est la douce descente dans les enfers de la société de Jean-Pierre, vendeur de matelas (révolutionnaires !), largué par sa femme, licencié par son patron et désavoué par ses parents Heureusement, il y a son frère, Not, le plus vieux punk à chien d’Europe, heureux de cette vie à l’ombre de la réussite, de la consommation et d’une existence raisonnable. Ensemble, ils vont hanter ces nouveaux temples de la vie moderne, un centre commercial.
Dans cet environnement dédié à la rentabilité et à l’aliénation des désirs de la population, démesuré, froid et laid, Delépine et Kervern instillent peu à peu de la poésie, de l’intimité, de l’espérance et de la fraternité. Leurs personnages ne deviennent pas des héros parce qu’ils sont déchus mais retrouvent, dans cette déchéance, une vraie dignité. Le Grand soir n’appelle pas à la révolution – que nos concitoyens ne sont pas prêts à faire comme le montre une scène poignante – mais remet les plus petits au centre du débat. En redonnant toute son humanité à un punk, à un SDF, à un chômeur, les réalisateurs rappellent avec une grâce ironique, toute l’humanité de ceux qui trinquent quand la finance internationale s’affole d’avoir à perdre tout ce qu’elle a gagné sur le dos des plus humbles