de Moussa Toure
Sénégal/France, 2012, 1h27
Festival de Cannes 2011, sélection officielle, en compétition.
Sortie en France le 17 octobre 2012.
avec Souleyman Seye Ndiyae, Laïty Fall, Malamine Drame, Balla Diara.
Voyage mouvementé à travers l’océan où le danger révèle la lâcheté des hommes et où le réalisateur nous rappelle subtilement que nous sommes tous dans le même bateau.
Le réalisateur sénégalais était le seul représentant de l’Afrique subsaharienne à être en compétition dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2012. Cela lui a permis d’avoir une bonne couverture médiatique et de parler de la situation désastreuse du cinéma dans son pays, et de celle, tout aussi désastreuse, de ses compatriotes qui tentent de rejoindre l’Europe au péril de leur vie. La Pirogue est l’histoire d’un de ces voyages.
Dans la banlieue de Dakar, les artisans pêcheurs vivent de plus en plus difficilement face à la concurrence industrielle. Les bateaux-usines ramassent tout le poisson au large et Baye Laye a du mal à faire vivre sa famille. Pris au piège des dettes de son frère, il s’embarque à contre cœur pour une traversée vers les Canaries. Il est le seul que l’Occident ne fasse pas rêver, il est le seul à savoir conduire cette pirogue. Elle est jolie cette grande barque de bois peint de couleurs vives, capable d’affronter les vagues du large mais peut être pas un si long voyage. D’autant plus que les marchands de rêves l’ont beaucoup trop chargée : une trentaine de personnes, de l’eau et de la nourriture pour une semaine, un moteur de rechange, quelques effets personnels et un GPS.
Plus qu’aux dangers du voyage et à sa conclusion prévisible, que malheureusement les médias nous content si souvent, Moussa Toure s’intéresse à l’huis-clos du groupe embarqué. Des personnalités différentes, de par leur âge, leur culture, leur langue et leur religion. Les dangers du voyage font vite monter la tension et à la moindre étincelle, des clans se forment les uns contre les autres. Et lorsque le drame arrive, c’est une tragédie antique qui se joue dans la pirogue, où il faut choisir de perdre une vie pour en sauver d’autres
Au Sénégal comme en Europe, dans une embarcation précaire comme dans une maison confortable, dès que le danger arrive, l’être humain pense à sa survie, délaissant toute morale et repoussant lâchement l’idée de Dieu. La Pirogue est un condensé de cette humanité déboussolée par la peur. Comme l’Occident ferme ses frontières par peur aussi de manquer, de partager avec l’autre cet inconnu Moussa Toure ne juge personne, ne condamne pas mais laisse cependant un peu d’espérance aux hommes de bonne volonté.