La Chasse

de Thomas Vinterberg

Danemark, 2012, 1h51

Sélection officielle Festival de Cannes 2012, prix du Jury œcuménique, prix d’interprétation masculine.

Sortie en France le 14 novembre 2012.

avec Madds Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Annika Wedderkopp, Susse Wold.

Sous l’apparente simplicité d’un fait divers, une réflexion profonde sur les violences qui traversent et structurent les sociétés humaines. Un film prenant et complexe.

Si Thomas Vinterberg raconte volontiers que c’est la place de l’homme et de sa virilité dans la société danoise actuelle, qui est à  l’origine du film, La Chasse propose une réflexion, consciente ou non, qui illustre parfaitement le concept de la violence et du sacré de René Girard. Pour ce philosophe, toute communauté a besoin d’un bouc émissaire qui, en étant injustement et violemment accusé et chassé, permet au groupe de se souder et d’éliminer toute tension interne.

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Dans un déroulement implacable, et sans ambigà¼ité quant aux responsabilités de chacun, le réalisateur montre comment une petite communauté rurale du Danemark, bien soudée et chaleureuse, peut rejeter l’un des siens dès lors qu’il est soupçonné d’avoir commis un acte irréparable. C’est-à -dire où le pardon n’est pas possible par ceux qui se sentent offensés. Mis en cause par une institution, Lucas est rejeté par ses amis, meurtris dans ce qu’ils ont de plus sensibles. Autour de ce nouvel appât, la communauté des chasseurs fait bloc pour le rejeter, le paroxysme arrivant le soir de Noël où Lucas est poussé hors de l’église, où tout le village est rassemblé pour communier ensemble

Evitant les scènes convenues au commissariat ou au tribunal, Vinterberg se concentre sur la force avec laquelle le doute se propage, tel un dangereux virus, sur la violence du ressenti et de la suspicion. Dans l’affolement des individus protégeant leur famille, on retrouve une rage animale. L’une des rares personnes à  soutenir Lucas est étrangère au village, et même étrangère tout court puisqu’elle vient d’un pays du sud. L’exclusion se met en branle, comme une partie de chasse s’organise autour de l’animal à  abattre.

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Les scènes de chasse, qui ouvrent et ferment le récit, sont plus qu’une métaphore mais la réelle mise en scène des violentes tensions qui traversent ce groupe. La justice d’un état ne peut rien contre le doute et la suspicion. Elle peut innocenter mais pas rendre possible le pardon de ceux qui, se croyant victimes, sont devenus bourreaux.

La Chasse, à  travers la fiction et une belle mise en scène, orchestre des personnages dans des situations complexes et inextricables. L’apparente harmonie du groupe est déchirée par les désordres intimes de chaque individu, qui ne peuvent être révélés que par le biais d’une tragédie. Une fois désigné, rien ne peut innocenter le bouc émissaire qui doit être sacrifié.

S’appuyant sur le travail de l’acteur Madds Mikkelsen, prix d’interprétation au Festival de Cannes, Thomas Vinterberg montre que, même dans les sociétés qui se disent civilisées, et notamment en Europe du nord où se déroule toute l’action du film, la violence reste constitutive de tout groupe humain.

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Au Festival de Cannes 2012, le jury œcuménique a attribué son prix au film La Chasse, avec le commentaire suivant : « Une partie de chasse où le gibier est un homme bon, en proie à  la méfiance et à  la manipulation d’une communauté déchirée, à  la recherche du pardon et de l’harmonie perdue. La mise en scène de Thomas Vinterberg, fondée sur la fiction, met en ligne de mire l’évolution du statut du père et de l’enfant. Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent ! »

Magali Van Reeth

Signis

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