Zero Dark Thirty

de Kathrin Bigelow

Etats-Unis, 2012, 2h29

Sortie en France le 23 janvier 2013.

avec Jessica Chastain, Jason Clarke, Edgar Ramirez, Reda Kateb.

A travers le récit d’une longue et difficile enquête pour débusquer un dangereux terroriste, Kathryn Bigelow expose des faits réels, en laissant au spectateur le soin d’évaluer la morale de l’Histoire.

Sous un titre énigmatique, emprunté au vocabulaire de l’armée américaine, ce film suit les 10 années de la vie d’un agent de la CIA, une jeune femme nommée Maya, 10 années entièrement consacrées à  traquer Ben Laden. Après les événements du 9 septembre 2011, qui ont ébranlé les Etats-Unis et sérieusement remis en question l’efficacité des services de renseignements, la CIA a déployé des moyens considérables pour éliminer la tête pensante du réseau terroriste international Al Quaida.20402278.jpg

Basé sur des faits réels, cette traque est judicieusement mise en fiction par la réalisatrice Kathryn Bigelow. Evitant le ton froid du documentaire ou le mélodrame du romanesque, Zero Dark Thirty rend à  la fois la complexité et la longueur de ce travail, où il faut chercher une aiguille dans une botte de foin. Déception, attentats, voyages en Afghanistan, contacts improbables et technologie haut de gamme, l’ambiance est au film d’espionnage, les paillettes et les scènes légères en moins. Tout ici, à  l’image de Maya qui ne semble plus avoir de vie personnelle, n’a qu’un but : débusquer Ben Laden. 20352785.jpg

La partie la plus prenante est bien sûr l’attaque de la forteresse où Ben Laden se terre, avec ses proches, dans la plus grande discrétion possible. Tout à  coup, tout devient limpide, évident, raisonné. Les soldats savent exactement où se positionner et comment avancer, étape par étape, pour aller chercher les trois hommes qu’ils doivent éliminer. Filmée dans la pénombre grâce à  une caméra très performante, on assiste, fasciné, à  un ballet très bien orchestré. Au plus profond de la nuit, où même le bruit des explosifs semblent étouffé, d’étranges créatures aux yeux lumineux, avancent pas à  pas, avec la rigueur du travail bien fait, vers une incroyable mission. Est-ce macabre ? Juste ? Avec intelligence, Kathryn Bigelow trouve le bon équilibre de mise en scène pour laisser le spectateur décider par lui-même, entre l’horreur des crimes commis par Al Quaïda et cette exécution professionnelle raisonnée jusque dans les moindres gestes de ceux qui la mettent en œuvre. Une nuit exceptionnelle et un grand moment de cinéma.20352784.jpg

Si les scènes de torture qui ouvrent le film sont d’une grande violence et peuvent heurter certains spectateurs, elles étaient nécessaires pour la réalisatrice. Cette violence d’état, au service d’une cause sans doute juste (la traque d’un chef terroriste) est-elle moralement acceptable ? Kathryn Bigelow laisse le spectateur trouver lui-même les réponses. C’est peut être la force du film, c’est peut être ce qui peut dérouter le plus de spectateurs. En essayant de prendre le moins possible partie pour une thèse ou l’autre (est-ce de la pure vengeance ? une nécessité ?), la réalisatrice s’applique à  rendre au mieux cette très longue enquête, dans la durée, la confusion et le doute. Si elle ne manipule pas le spectateur par la violence ou l’émotion, la façon dont elle rend hommage à  tous les participants de cette traque, sans donner l’impression de les approuver, nous incite à  aller plus loin dans la réflexion.

Magali Van Reeth

Signis

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