de Guillaume Nicloux
France/Allemagne/Belgique, 2012, 1h54
Sélection officielle Berlinale 2013
Sortie en France le 20 mars 2013.
avec Pauline Etienne, Louise Bourgoin, Isabelle Huppert.
Nouvelle adaptation du célèbre roman de Diderot, cette religieuse-là insiste sur le désir de liberté et de choix consenti, dans une époque bien rude pour les femmes.
Ce roman de Denis Diderot a longtemps été considéré comme très anticlérical. Ecrit à partir de 1780 et publié de façon posthume en 1796, il dénonce avec justesse une société très contraignante pour les femmes, les enfants illégitimes et les égarements de certains ordres religieux. Contraintes malheureusement encore actuelles au 21ème siècle, dans certains endroits du monde. Les réflexions pertinentes de l’encyclopédiste français, prêtre de formation, philosophe, écrivain et polémiste qui voulait d’abord partager le savoir et la connaissance entre le plus grand nombre d’individus, sont toujours d’actualité.
On peut s’étonner que ce soit le réalisateur Guillaume Nicloux qui nous propose aujourd’hui cette relecture de La Religieuse. Cinéaste inclassable, s’amusant autant avec un polar gentiment grivois (Le Poulpe, 1998) qu’avec le fantastique (Le Concile de pierre, 2006), il aime s’écarter des sentiers battus et mélanger les genres. Et surprendre encore une fois les spectateurs.
Le cinéaste suit de près la trame narrative du roman de Diderot. Suzanne est une très jeune fille que ses parents obligent à aller au couvent car ils se sont ruinés pour marier ses sœurs aînées. Ce qui n’était que temporaire devient définitif lorsque Suzanne apprend qu’elle est un enfant illégitime et qu’elle doit expier les fautes de sa mère. Après avoir accepté cette situation, elle se révolte pour sortir d’une vie monacale qu’elle n’a pas librement choisie. C’est un combat éprouvant, aussi bien physiquement que moralement, contre une institution puissante. Mais aussi contre des traditions solidement installées, contre une société qui ne reconnaît pas le libre choix des femmes et des individus.
La religieuse de Guillaume Nicloux a les traits de l’actrice Pauline Etienne, jeune actrice belge qu’on avait découverte dans le beau film de Léa Fehner, Qu’un seul tienne et les autres suivront (2009). Sur son visage au teint transparent se lisent toutes les tensions intérieures de Suzanne, partagée entre sa foi sincère, son désir de liberté, sa peur de refuser un destin inéluctable et les violences que ce choix engendre. Elle n’a pas la vocation à devenir religieuse et dans ce 18ème siècle où Les Lumières commencent tout juste à secouer les consciences, elle n’a aucune place hors du couvent.
On peut être agacé par la facilité avec laquelle Guillaume Nicloux joue de l’esthétisme des habits religieux et des couvents. A trop se concentrer sur la dramaturgie des lieux et le graphisme des vêtements, il peine à en faire partager la spiritualité. Heureusement, Pauline Etienne incarne de bout en bout la grâce, non pas la grâce ordinaire qui se confond trop avec la beauté, mais la grâce divine qui fait rayonner cette beauté. On apprécie aussi Louise Bourgoin en mère supérieure aussi mielleuse que méchante mais moins Isabelle Huppert qui tourne en dérision la tragique complexité de l’Amour et des confusions qui en découlent.
Mais, soignant la lumière et la photo, il souligne la foi de Suzanne, cette foi qui lui permet d’endurer les tourments quotidiens, les humiliations et les privations. Jusqu’au bout, elle espère et elle prie pour garder la force de s’opposer à l’inébranlable société religieuse et civile qui veut la garder emprisonnée dans une vie qu’elle n’a pas choisie. Dans ce film, auquel il donne une fin moins pessimiste que Diderot, le réalisateur met en avant ce combat, toujours captivant et d’actualité lorsqu’il faut décider, par soi-même, de son destin.