de Jonathan Nossiter
Italie, 2014, 1h25
Sortie en France le 18 juin 2014.
documentaire
En Italie, quelques viticulteurs préfèrent travailler la terre et le vin comme ils leur chantent, plutôt que de se plier aux réglementations qui protègent plus les industries agro-alimentaires, que la qualité des produits.
Le film s’ouvre par une vue de La Chute d’Icare, tableau de Pierre Brueghel, célèbre par toutes les interprétations qu’on peut en faire. Le réalisateur Jonathan Nossiter ne donne pas d’explication mais le fait qu’Icare, personnage rêveur et inventif, tente de tutoyer les nuages dans l’indifférence générale, peut être une piste de lecture. A moins que ce ne soit le foisonnement de détails et de récits qui se côtoient dans cette peinture, comme dans le documentaire…
Résistance naturelle est une belle journée à la campagne, une joyeuse conversation autour d’un bon repas et des vins étonnants. Les convives sont des viticulteurs italiens refusant l’appellation d’AOC qui ne leur permet pas de faire le vin qu’ils veulent. C’est à dire des vins naturels, sans apport de sucre ou souffre, sans pesticide. Des vins qui ne se construisent pas « à la cave » mais qui sont issus de grappes pas toujours conformes. Les convives sont Stefano Bellotti, Elena et Anna Pantaleoni, Corrado Dottori, Giovanna Tiezzi. Ce sont des artisans soucieux de ne pas épuiser la terre qu’ils travaillent, attentionnés à l’ensemble de l’écosystème dans lequel ils vivent. Avec eux, Gian Luca Farinelli, directeur de la cinémathèque de Bologne, connue pour la restauration des films du patrimoine.
Le charme de ce film, au-delà d’une salutaire prise de position en faveur d’un plus grand respect des richesses de la terre et du consommateur, c’est la liberté avec laquelle Jonathan Nossiter construit son film. Il s’attarde sur des détails n’ayant, en apparence, rien à voir avec le sujet. Il filme un groupe d’enfants pataugeant autour d’une flaque de boue, un chien dans la cour de la ferme. Il nous fait profiter du spectacle d’un coucher de soleil dans les douces ondulations de la campagne toscane. Sa caméra sautille d’un visage à l’autre, dégringole un escalier, joue à cache-cache avec les verres de vin qui encombrent la table. Par moment encore, le documentaire s’interrompt pour des extraits d’autres films, célèbres ou non : Comizi d’amore de Pasolini, Max mon amour d’Oshima, Rome ville ouverte de Rossellini, Au Hasard Balthazar de Bresson, La Ruée vers l’or de Chaplin ou quelques extraits d’actualité. Pour le réalisateur, qui est aussi le monteur du film, c’est prendre acte « d’une joyeuse liberté de cinéaste qui m’a donné envie d’aller plus loin dans ces échanges entre deux mondes ».
A défaut de goûter le vin dont il est tant question dans ce documentaire, on goûte à la liberté de ces artisans, amoureux de leur travail, capables de renifler une motte de terre pour s’assurer qu’elle n’est pas malade, de batailler pour restaurer un film, de prendre sa caméra pour filmer les battements du monde, sans se soucier de rentabilité. On sent la joie de créer sans détruire, on participe à cette célébration de la nature dans toute sa splendeur. Bien qu’il n’en soit pas question ouvertement, Résistance naturelle parle aussi de ce que nous allons transmettre aux générations suivantes, cinéastes, parents ou agriculteurs.