Chroniques cinéma – Le journal d’une femme de chambre

de Benoît Jacquot

avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Dominique Reymond

(Français 2015 1h30).

Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon

Une peinture minutieuse d’une société corsetée par des codes et des règles étouffantes où la jeune Célestine malgré son air bravache se laissera emporter par le poids de son rang et de son sexe..

Au début du XXème siècle, Célestine, jeune bonne au regard effronté, a déjà  été employée dans de nombreuses maisons. Au début de l’histoire, elle arrive en province au service des Lanlaire : elle, exigeante et près de ses sous, lui, bien décidé à  user de son droit de cuissage..
L’affrontement est inévitable. Les maîtres ont aussi à  leur service une cuisinière abîmée par le poids de son corps et l’alcool et Joseph, le jardinier assez inquiétant

Le roman d’Octave Mirbeau a déjà  été adapté au cinéma par Jean Renoir et Luis Bunuel et pourtant le film de Benoit Jacquot lui donne une nouvelle jeunesse.

Il décrit l’oppression dont sont victimes ces domestiques, mais oppression dans laquelle entre aussi une certaine forme d’acceptation. « Faut-il que nous ayons cette servitude au fond de nous pour accepter tout çà  » avouera Célestine. Il fait de la jeune bretonne une jeune femme jouant à  la fois de son attraction sur les hommes, leur désir et en même temps de sa révolte contre ses patrons et des bourgeois en général.

Ces luttes de pouvoir pourraient s’avérer pesantes et conflictuelles. Il n’en est rien car Benoît Jacquot a choisi de situer son film au début du siècle dans cette province bucolique et champêtre, dans des décors d’intérieurs cossus et de toilettes raffinées. Et la peinture qu’il fait de cette société est complexe et en rien tranchée. Les bonnes peuvent apparaître attachées aux gains et cancanneuses comme la patronne de Célestine se révèlera très humaine à  la fin du film.

Joseph le jardinier embrasse les thèses de la droite antidreyfusarde de l’époque et vomit les juifs. Célestine qui en est amoureuse ne comprend pas cette haine mais le suit car liée avec lui par le vol qu’ils ont commis au domicile des patrons de la jeune fille.

Et c’est à  une autre oppression (masculine et de son futur époux) que Célestine va être soumise alors, comme si le désir d’émancipation n’était pas encore possible pour elle. Léa Seydoux apporte à  Célestine une touche de roublardise, son pourvoir de séduction et sa candeur. Elle porte le film.

Benoît Jacquot assure une belle maîtrise dans la reconstitution sociale, les luttes de pouvoir, le poids des conventions de cette société bourgeoise. Mais il leste son histoire d’épisodes racontés en flashbacks qui alourdissent parfois le propos. On préfère se plonger dans les yeux de Léa Seydoux juvénile, malicieuse, butée et délicieusement attachante. Une belle et gracile femme de chambre.

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