de Giulio Ricciarelli
avec Alexander Fehling
Film dramatique allemand ( 2015 -2h03).
Chroniques cinéma de Marie-Noëlle Gougeon
Une leçon d’histoire, une interrogation sur la banalité du mal et ceux qui le commettent. Mais aussi un thriller classique, efficace et exemplaire.
Le labyrinthe du silence est inspiré d’une histoire vraie. Dans les années cinquante en Allemagne, le procureur général de Francfort-sur-le-Main, Fritz Bauer va autoriser Johann Radmann, un jeune procureur à ouvrir une enquête sur d’anciens soldats attachés au camp d’Auschwitz et coupables d’être responsables de milliers de morts de prisonniers. Ce personnage de jeune procureur n’a pas complètement existé mais il a été créé à partir de trois magistrats qui ont eu la charge de cette enquête.
8000 soldats travaillèrent dans ce camp qui après 1945 se situait en Pologne et donc loin de la réalité des allemands après guerre. Johann Radmann est confronté à une enquête de titan pour retrouver ces soldats qui sont revenus à la vie civile. Et c’est à une course contre le temps, contre le déni de cette période, la volonté de l’oubli qu’il doit se battre. Le film se déroule comme un thriller avec les chausses- trappes, les intimidations, les freins que l’on place sur la route du jeune magistrat. Lui-même découvre avec horreur que son père était inscrit au parti nazi
L’autre grande qualité du réalisateur c’est d’avoir placé le propos de son film sur la question de la normalité, de la banalité. Comment des jeunes gens ont-ils pu commettre de telles atrocités ? Comment aujourd’hui peuvent-ils être redevenus de simples citoyens, boulangers, enseignants, journalistes, sans que la société s’en émeuve.
Beaucoup d’allemands ignoraient avant le procès de ces soldats la réalité d’Auschwitz, ou ne voulaient pas savoir. Les anciens soldats ne veulent pas parler.
Et le film de Giulio Ricciarelli nous restitue bien ce travail de dévoilement, de dessillement opéré par Radmann sur ses compatriotes. Et en écho, nous ressentons cette interrogation : pouvons-nous fermer les yeux, ne devons-nous pas nous aussi être vigilants, ne rien laisser passer des omissions au respect de la dignité humaine, combattre toute forme de barbarie aujourd’hui ?
Le film restitue aussi toute l’ambiance de cette époque, avec un souci des décors, de la musique, des vêtements : banalité des vies et banalité du décor vert-de-gris des villes allemandes des années 50
Giulio Ricciarelli réalise également un beau travail sur la photographie et le montage.
Alexander Fehling, l’acteur allemand qui joue Radmann est excellent.
Le procès aura lieu en 1958, même si peu de soldats furent poursuivis (18 seulement). Il aura permis à l’Allemagne d’opérer un formidable travail sur elle-même, sortir du déni et de l’oubli des crimes de la seconde guerre mondiale. Certains bourreaux d’Auschwitz ne furent jamais jugés, comme le Dr Mengelé, enfui en Amérique du Sud. Preuve que des protections existaient jusqu’au sommet de l’Etat