de Kiyoshi Kurosawa
avec Eri Fukatsu, Tanahobu Asano.
Drame. Film Franco-japonais (2015). 2h07.
Chroniques Cinéma de Marie-Noëlle Gougeon
Une balade entre les deux rives de la vie à la lisière entre rêve et réalité. Un poème lumineux du cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa sur le travail de deuil et les liens qui nous retiennent à ceux qu’on aime ou qu’on a aimés.
Yusuke est mort depuis 3 ans. Il s’est noyé en mer. Depuis Misuki, sa jeune veuve a du mal à vivre son deuil. Un soir, Yusuke « revient » chez lui et tout « naturellement », reprend sa place près de son épouse qui a beaucoup de questions à lui poser. Ils vont alors entreprendre un voyage dans le temps, retrouvant quelques unes des personnes qui ont croisé la route du jeune homme : un vieillard qui vend des journaux, un restaurateur, une communauté villageoise. Certains sont morts, d’autres pas. Toutes ces rencontres n’ont en fait qu’une raison d’être : celle de permettre au couple de revivre et d’accepter enfin cette séparation si dure à vivre, pour lui, comme pour elle.
Mais plus que d’en faire un film introspectif, Kiyoshi Kurosawa (rien à voir avec le réalisateur très connu) en fait un poème sur le sentiment qui nous lie aux autres, que ce soit un lien social, de travail ou un sentiment amoureux.
Avant de passer sur l’autre rive, ou en se remémorant le moment de cette douloureuse séparation pour ceux qui sont restés, tous les protagonistes du film revivent leurs doutes, leurs regrets. S’ils pouvaient revenir en arrière que feraient-ils, que demanderaient-ils ? Le pardon à cette jeune sœur pianiste que l’on avait un peu critiquée ? La vérité sur cette infidélité réelle ou imaginée ?
Pour Yusuke et Misuki, ce « retour sur terre » va se révéler un moment de vérité pour eux-mêmes, leur amour, leur vie de couple lorsqu’ils étaient mariés. C’est avec le dernier « mort » rencontré que Yusuke « répète » cette dernière séparation « Laissons les morts avec les morts » dit-il en substance. Misuki et lui doivent se quitter maintenant
A la communauté villageoise réunie, le jeune homme va donner une dernière conférence sur l’Univers. Oui, il y eut un commencement et oui, il y aura un jour destruction de tout çà , ce ne sera pas la fin, mais le Commencement..
Ce mélange entre vivants et morts aurait pu être traité sous la forme d’un film de Sciences Fiction, le genre des premiers films de Kurosawa. Pour ce dernier opus, tout en finesse et vérité, le réalisateur japonais a choisi une « co-présence » limpide, évidente. Comme si les gens aimés et qui nous ont quittés continuaient à être présents auprès de nous.
Le cinéaste inscrit ce long poème philosophique, spirituel dans un Japon très actuel : celui des petites villes et d’une campagne verdoyante et tranquille et cet antagonisme sert merveilleusement son propos. Le film est en VO sous-titrée et l’écoute de la langue japonaise étrange, ajoute encore au mystère du « voyage ». C’est lent, un peu long sur la fin mais d’une grande profondeur et d’une beauté à la fois extérieure et intérieureOn en sort en paix.
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