de Rithy Panh
Documentaire 1h32. Franco-cambodgien.
Prix Un certain regard Cannes 2014.
Une méditation douloureuse sur le génocide cambodgien que Rithy Panh a connu, réalisée avec la puissance créative de l’artiste et sa capacité de résilience. Magistral
Rithy Pahn est un rescapé du génocide cambodgien perpétré par les khmers rouges. Toute sa famille y a péri. En découvrant un jour des bobines de films calcinées de ces années là , il tente de retrouver trace de ces massacres, preuve des horreurs commises : il l’appellera l’image manquante. A la fin de sa recherche, il ne la trouvera pas car elle n’existe pas. Nulle photo ne peut témoigner de la mort de millions d’hommes, de femmes, d’enfants.
Alors à la quête de l’image, va se substituer l’image de la quête, ce long chemin que va parcourir Rithy Panh pour comprendre, se remémorer, évoquer le passé de ces années de terreurs vécues sous le joug d’une idéologie de mort. Comme en Chine quelques années plus tôt, Pol Pot et ses acolytes vont déporter la population des villes, intellectuels, artistes, professeurs pour créer une société « égalitaire ». Le père de Rithy Pahn était instituteur.
Dans des camps de « rééducation », des millions de cambodgiens seront contraints sous la peur à vivre sans technique (trop capitaliste !) comme des hommes du Moyen Age. A charrier des sacs de sable, à creuser, à avoir faim et froid. A subir les dénonciations, les expériences médicales, la torture.
Il n’y a point d’image de ces exactions. Alors Rithy Panh va donner vie à tout ce qu’il a vu en créant des figures en terre peintes, à l’effigie de tous ceux qu’il a croisés durant ces années là . Il va les faire revivre et donner à voir à ceux qui vantaient alors l’idéologie maoïste : Vous qui étiez à Paris, avez-vous eu connaissance de ces crimes leur assène-t-il ?
Le résultat est saisissant et bouleversant. Le réalisateur compose une suite de tableaux colorés où l’on voit la dure réalité : son père refuser de s’alimenter, sa mère protéger ses enfants, les malades de l’hôpital où il est admis, les autres personnages du village etc. Il les incruste dans des séquences filmées de l’époque, leur redonnant une humanité. Il accompagne ces images d’un commentaire en forme de récit méditatif, poétique, douloureux écrit par Christophe Bataille. Un texte parfois elliptique mais justement qui demande toute notre attention.
La musique traditionnelle mais aussi celle plus rockeuse qu’écoutait Rithy Panh soutiennent images et texte
Rithy Panh a cinquante ans aujourd’hui. Il a suivi une analyse et a retrouvé en lui « l’enfant » qu’il a été, l’enfant qu’il est toujours avec ses pouvoirs d’imagination et de créativité intacts : ce que les khmers rouges n’auront pas anéantis.
Ce film est d’une qualité exceptionnelle pour trois raisons :
Le sujet qu’il traite, le travail de mémoire et l’émotion qui s’en dégage. Mais c’est surtout par le traitement que ce film est exceptionnel : le choix de l’imagination créatrice, les figurines en terre, les scènes animées et l’alchimie avec les scènes de la réalité.
Au final, Rithy Panh pose la question centrale du cinéma : « A quoi sert une image ? Pas à montrer la réalité comme on pourrait le croire mais à se souvenir, à garder en mémoire » répond-il.
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