de Nanni Moretti
avec Margherita Buy John Turturro
Drame italien (2015) 1h47.Prix œcuménique à Cannes 2015.
Un film beau et grave, sur l’accompagnement de la fin de vie d’une mère par ses deux enfants. Moretti en fait une évocation de la mort, de la vie, de la transmission, de la créationDes thèmes qui lui sont chers magnifiquement mis en images et en résonnance.
Margherita et Giovanni sont frère et sœur et vivent un moment douloureux de leur vie d’adulte : la maladie de leur mère et sans doute son départ prochain. Curieusement c’est Giovanni qui « occupe » la dimension maternelle du soutien. Il a pris un congé sans solde pour être auprès de sa mère, lui apporte des petits plats, voit les médecins.
Margherita, elle, est en train de réaliser une fiction « sociale » sur la transmission mouvementée d’une usine à un nouveau propriétaire. Elle dirige, exige, mais a bien du mal avec l’acteur qui tient ce rôle (John Turturo, sublime et hilarant) et dont les troubles de mémoire, les changements d’humeur affectent les conditions de tournage. En pleine crise également avec son compagnon, fragile, elle doute, prise entre ses responsabilités de cinéaste et ses relations de fille et de femme.
Nanni Moretti reprend ici une veine autobiographique, puisqu’il a vécu la mort de sa propre mère après la sortie de «Habemus Papam ». Et il en écrit une page émouvante, drôle et grave sur la fin de vie d’une personne aimée, épisode que beaucoup d’entre nous ont connu ou connaîtront.
La façon dont Nanni Moretti nous le restitue est baigné de vérité: les petites attentions, les objets sur la table de nuit, le déclin inexorable mais aussi la manière d’être considérée comme une personne jusqu’au bout. Ce rôle de mère âgée et dépendante est magnifiquement joué par Giulia Lazzarini, du Piccolo Teatro de Milan et donne l’occasion au réalisateur italien de nous parler de son métier, du travail de création et de représentation de la réalité, du thème de la transmission qui est celui du film que tourne sa sœur mais aussi celui qu’ils vivent au sein de la famille.
Car si Margherita a visiblement des relations compliquées avec sa mère, cette dernière a établi des liens très complices avec sa petite fille qu’elle conseille pour ses versions latines, elle l’ancienne professeur de lettres. Entre elles, la vie continue.
Le fil conducteur du film est celui de l’évolution de Margherita, d’une angoissante question existentielle et professionnelle à une renaissance personnelle qui lui sera « donnée » par la vie de sa mère. « Elle n’était pas seulement un professeur mais elle nous avait appris la vie » dira d’elle une de ses anciennes étudiantes. En vivant la mort de sa mère, Margherita naît une seconde fois. Et le sourire vient illuminer son visage, enfin : dernière image du film.
Nanni Moretti entrelace ce récit d’images glanées dans les souvenirs de la jeune femme, (elle se revoit adolescente, étudiante) mais aussi de projections, d’images de rêves montées avec une fluidité cinématographique impressionnante.
Margherita Buy incarne magnifiquement les deux facettes de Margherita apportant à la fois l’émotion et la réflexion de l’artiste. Qui sont aussi celles de Nanni Moretti, son double.
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