Detroit

Un film de Kathryn Bigelow

Etats-Unis – 2017 – 2 h 23

En février 2017, sortait Loving, le film de Jeff Nichols, qui racontait le combat d’un couple, elle Noire, lui Blanc, auprès de la Cour Suprême des Etats-Unis, pour faire accepter dans tout le pays, le mariage entre personnes de couleurs différentes. Combat épuisant, mais au bout, une belle victoire.

Quelques semaines plus tard, c’est le magnifique documentaire de Raoul Peck, I am not your negro, qui, partant des écrits de James Baldwin, révélait avec une force peu commune, la tragique réalité de la ségrégation raciale et du racisme dans les Etats-Unis de ces cinquante dernières années.

Un peu dans la continuité de ces films, Kathryn Bigelow illustre avec Detroit, un épisode récent de l’histoire des Etats-Unis, qui en dit long sur ce qu’était encore dans ce pays, la situation des Afro-Américains à la fin des années 1960.

Le film décrit un épisode particulièrement sanglant des émeutes qui embrasèrent une partie de la ville de Detroit en 1967, et qui se déroula dans l’Algiers Motel. A la suite d’un bruit de détonation de révolver parti de l’une des chambres, la police investit l’établissement, et essaie d’obtenir par l’intimidation et la violence, les aveux d’un groupe de Noirs qui faisaient la fête en compagnie de deux jeunes filles blanches.

Le coeur du film est constitué du très long épisode de cet interrogatoire de police, en un huis-clos particulièrement violent, glaçant et éprouvant. Les policiers blancs, plutôt jeunes eux aussi, qui mènent cette investigation, vont vite révéler leur racisme, et la supériorité méprisante que leur confèrent leurs uniformes et leurs armes. Menaces, manipulations, violences physiques vont se succéder, pour essayer d’extorquer des aveux au sujet d’un évènement qui n’a pas eu lieu !

La suite du film nous révèlera ce qu’il est advenu des différents protagonistes, Noirs et Blancs, de cette histoire hélas bien réelle.

Après Démineurs et l’admirable Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow confirme, avec Detroit, son intérêt pour l’histoire récente de son pays. Alors que ses deux films précédents reposaient sur une narration plutôt objective (celle d’épisodes de la guerre d’Irak, celle de la traque et de la capture de Ben Laden), Detroit se présente comme un film engagé, avec la dénonciation radicale du racisme blanc anti-noir. Le film instruit aussi le procès de la police de cette époque qui apparaît complètement gangrenée, avec seulement quelques rares individus manifestant pitié et solidarité.

Bien aidée par des comédiens peu connus mais extrêmement brillants, Kathryn Bigelow nous offre à nouveau un film remarquablement réalisé, très nerveux en accord avec son sujet, où se mêlent très habilement et très intelligemment, reconstitution documentaire et narration fictionnelle.

La réalisatrice n’évite pas l’écueil d’une certaine longueur dans l’éprouvante séquence du motel, pas plus qu’elle ne renonce à une continuelle et souvent bien inutile surenchère dans la violence, déjà présente dans ses films précédents.

A ces réserves près, le film suscite une véritable et saine réflexion sur la condition des Noirs dans l’Amérique du 20ème siècle, mais aussi sur ce qu’elle est certainement encore dans un certain nombre d’Etats de ce pays. Des évènements récents nous rappellent que la lutte contre toute forme de racisme et de ségrégation, est un combat qui demeure, là-bas comme ailleurs, d’une brûlante actualité.

Pierre QUELIN.

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