Un film de Xavier Beauvois – France – 2017 – 2 h 15
Avec Les Gardiennes, Xavier Beauvois nous donne une oeuvre d’une profonde noirceur, et d’une tristesse infinie.
Débutant avec quelques images vite effacées de cadavres de poilus sur le champ de bataille de la guerre de 1914-1918, le film s’intéresse rapidement à ce que vivent celles et ceux de l’arrière, des femmes pour la plupart, mais pas seulement.
Au fil des saisons, et sur plusieurs années, nous suivons dans une campagne paisible, loin des tranchées, des baïonnettes, des gaz asphyxiants, les femmes qui, en l’absence des hommes partis à la guerre, ont pris avec un courage impressionnant l’exploitation de la ferme, en ne comptant que sur la force de leurs bras, et sur la force de leurs animaux, chevaux et boeufs. Et avant que n’apparaissent timidement, tracteur et moissoneuse-lieuse.
Une vie rythmée par les travaux des champs, les messes de funérailles où sont égrenés les noms de tous les jeunes hommes « morts au champ d’honneur ».
La vie de ces femmes, qui ne semble plus faite que de deuils et de souffrances, va se trouver transformée par l’arrivée d’une domestique, Francine, apportant avec elle sa jeunesse et un engagement sans défaut dans le travail de la ferme. Mais attirant aussi le regard des hommes, présents à la ferme à la suite de permissions. Des soupçons, des jalousies vont se révéler, créant de nouvelles souffrances, s’ajoutant à celles apportées par la guerre.
Même si le film fait la part belle aux femmes, à ces gardiennes qui permettent à la vie de continuer en l’absence des hommes, il ne néglige pas de donner une belle place à des figures masculines, en particulier celle de Georges, jeune soldat qui va rapidement tomber sous le charme de Francine.
Xavier Beauvois conduit cette histoire, inspirée d’un roman d’Ernest Pérochon de 1924, avec beaucoup de sensibilité, de tact, de pudeur, mais aussi de réalisme, manifestant constamment un profond attachement à ses personnages, et un grand respect à leur égard. Même respect que celui qu’il avait manifesté face aux moines de Tibhirine, dans le magnifique Des Hommes et des Dieux.
Le film bénéficie de plusieurs atouts. Tout d’abord, une interprétation exemplaire, rendant chaque personnage totalement crédible, et où brillent particulièrement Iris Bry (Francine), Cyril Descours (Georges) et Laura Smet (Solange), face à la merveilleuse Nathalie Baye (Hortense). Ensuite, une photographie en format scope de toute beauté, due à Caroline Champetier qui nous a déjà souvent montré avec quel talent elle servait les réalisateurs qui font appel à elle (Récemment, Anne Fontaine, avec Les Innocentes).
De la noirceur du film émergent quelques moments de spiritualité, au travers de prières brèves mais ardentes, et à l’occasion des cérémonies de funérailles ou de recueillement dans l’église du village, où le curé sait transmettre un message de paix et d’espérance à des gens qui ne semblent vivre que dans le désespoir, la souffrance et le deuil.
Une dernière image, en chanson, vient apporter un peu de lumière en conclusion de cette histoire très sombre, comme si on voulait se forcer à croire, en 1919, que le cauchemar est vraiment terminé, et que cette guerre, c’était bien la « der des ders ».
La « der des ders » ? Vraiment ?
Pierre QUELIN.
Nathalie Baye et Laura Smet
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