Cinéma – La Douleur

Un film d’Emmanuel Finkiel – France – 2017 – 2 h 07

Dans Paris occupé, et alors que l’on entrevoit les premiers signes de la libération, Marguerite se bat pour découvrir ce qu’est devenu son mari, Robert Antelme, membre d’un réseau de Résistance, arrêté par la Milice, et probablement déporté en Allemagne.

Marguerite, c’est Marguerite Duras à 30 ans, déjà jeune auteure de deux romans, et qui endossera définitivement son statut d’écrivaine en 1950, avec la publication d’Un Barrage contre le Pacifique.

En ces heures troubles et violentes de l’Occupation, où chacune et chacun se doivent de se méfier de tout le monde, Marguerite obsédée par le désir incontrôlé de savoir ce qu’est devenu Robert, ne va pas hésiter à se rapprocher d’un Français enrôlé dans la Gestapo, quitte à mettre gravement en danger le réseau de Résistance qu’elle fréquente toujours, et auquel appartenait son mari.

De cette histoire, Emmanuel Finkiel tire un film absolument remarquable, dont la complète réussite s’inscrit dans une parfaite maîtrise de la narration, de la mise en scène, de la direction d’acteurs.

Narration accompagnée par une voix off qui dit des passages de l’oeuvre de Marguerite Duras, sans redondance avec les images, exprimant parfaitement le ton si particulier de l’écrivaine, aussi bien dans sa manière d’écrire que dans sa façon de parler. Et sans jamais la moindre caricature.

Belle mise en scène, avec une reconstitution réussie de la période de l’Occupation, où cohabitaient et se croisaient, pour un certain temps encore, résistants et collaborateurs. Belle photographie qui adopte souvent (peut-être un peu trop souvent….) l’esthétique d’une image floue, ce parti-pris contribuant finalement à bien traduire les sentiments ambigus qui rongent et obsèdent Marguerite à ces moment-là.

Superbe interprétation d’un trio de comédiens absolument parfaits. Benjamin Biolay, définitivement excellent comédien dans le rôle d’un Résistant. Benoît Magimel, exemplaire dans son interprétation du Gestapiste, subtil et nuancé dans son jeu du chat et de la souris avec Marguerite. Et Mélanie Thierry qui campe magistralement une Marguerite Duras telle qu’on peut l’imaginer dans ses trente ans, courageuse, battante, rebelle. Traduire à l’écran une douleur aussi violente que celle que vit Marguerite pouvait conduire à des excès mélodramatiques, auxquels le film échappe totalement. Par son jeu toujours parfaitement naturel, net et précis, Mélanie Thierry contourne l’écueil de l’emphase, et livre une interprétation d’une justesse et d’une vérité impressionnantes. Un de ses plus beaux rôles !

Voir La Douleur pour relire une page d’histoire, pour entendre la voix si particulière et si belle de Marguerite Duras parfaitement portée par Mélanie Thierry, pour admirer le jeu de parfaits comédiens. Et pour réfléchir sur ce qu’est le mal, le mal absolu, sur la façon de le vivre, d’en souffrir au-delà de l’imaginable, et un jour peut-être, de tenter de l’oublier.

Pierre QUELIN.

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Mélanie Thierry

Benoît Magimel

Benjamin Biolay

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