Le Père Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire, a vu Paul, Apôtre du Christ. Il nous confie ci-dessous, avec son regard de bibliste, les réflexions que lui inspire le film d’Andrew Hyatt.
Paul, Apôtre du Christ, à la lumière de l’exégèse et de l’histoire
Le cadre historique général du film est bien planté. L’action se déroule à Rome en l’an 67 de notre ère; elle commence quelques semaines avant la mort de Paul, décapité dans la capitale de l’Empire cette année-là. Nous sommes trois ans environ après l’incendie de Rome qui démarra sous Néron dans la nuit du 18 juillet 64, et qui dévasta une grande partie de la ville. L’empereur fur accusé de l’avoir déclenché lui-même. On chercha des coupables. Les chrétiens, adeptes d’une religion que l’historien Tacite traite de « détestable superstition », furent une cible idéale. Pierre fut crucifié dès l’an 64, Paul fut mis à mort environ trois ans plus tard, sans que l’on connaisse la raison de ce décalage.
La tradition veut que, avant sa décapitation, l’Apôtre fut emprisonné dans la prison Mamertine, au pied du Capitole; c’est bien là que le localise le scénario. En plus de Paul, l’autre personnage, important du film est l’évangéliste Luc. Sa présence à Rome est vraisemblable, si l’on se fonde sur les indications fournies par la deuxième épître à Timothée (4, 11), sans doute remaniée après la mort de Paul, mais à partir d’une lettre authentique. En revanche, la présence à Rome de Priscille et Aquila, chez qui s’est réfugiée une communauté de chrétiens craignant la persécution, ne l’est pas; car dans la même épître, Paul demande justement à Timothée de les saluer, ce qui implique qu’ils sont auprès de ce disciple (4, 19). Les autres personnages sont fictifs, notamment Mauritius, le directeur de la prison, et sa famille. Luc était médecin, on le sait par l’épître aux Colossiens (4, 14), mais rien ne dit qu’il fut meilleur médecin que d’autres, et la guérison de la fille de Mauritius est tout aussi fictive.
A un moment, un jeune chrétien s’enflamme et, au lieu d’accepter une mort violente probable, parvient à persuader d’autres chrétiens de prendre avec lui les armes. On ne possède aucun récit d’un tel soulèvement, mais il n’est pas invraisemblable. Se révolter, alors que la persécution gronde, est humain; il faut être saint comme Paul, Luc, ainsi que Priscille et Aquila, pour envisager d’être jeté aux fauves sans fuir ou se battre, et pardonner à ses persécuteurs.
De la bouche des quatre principaux personnages historiques – Paul, Luc, Priscille et Aquila – surgissent des paroles très fortes, pour la plupart empruntées aux épîtres de Paul. Cela donne au film une belle intensité avec, même, une tonalité de prédication marquée. C’est une oeuvre engagée. Le réalisateur veut convaincre de l’excellence du christianisme et de la noblesse de l’Eglise.
Un dernier élément qui ne peut être historique: à plusieurs reprises, Luc rejoint Paul dans sa prison et lui sert de secrétaire. Dans ce cadre, une lettre est composée, peut-être la base de la deuxième épître à Timothée. Mais c’est aussi là que le cinéaste fait rédiger par Luc la partie des Actes des Apôtres consacrée à Paul, et même y mettre le point final, avec l’approbation de Paul lui-même. On ne peut retenir ce point: Luc est sans doute l’auteur des Actes des Apôtres, mais il rédigea son oeuvre beaucoup plus tard (aux alentours de l’an 85), en utilisant des sources de provenance diverse.
Quant au portrait physique de Paul, un grand vieillard plein d’autorité naturelle, il contredit ce que l’Apôtre en écrit lui-même dans la deuxième épitre aux Corinthiens: « Ses lettres, dit-on, ont du poids et de la force; mais une fois présent, il est faible et sa présence est nulle » (10, 10). Le cinéaste, idéalise son héros. On lui pardonnera, car Paul est vraiment un belle figure.
Michel Quesnel – Prêtre de l’Oratoire – Bibliste
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Michel Quesnel est un grand spécialiste de l’Apôtre Paul, et il lui a déjà consacré plusieurs ouvrages.
Le dernier en date s’intitule La première Epître aux Corinthiens
Editions du Cerf – Collection « Commentaire biblique – Nouveau Testament » – 2018 – 486 pages – 40 €
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Rome – Prison Mamertine, située sous l’église San Giuseppe dei Falegnami, au pied du Capitole
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