Un film d’André Téchiné – France – 2019 – 1 h 44
Le film s’ouvre sur une explosion de couleurs, celles des cerisiers en fleurs qui occupent toute la largeur du scope de l’écran, et qui pourraient nous laisser croire un instant, que nous sommes dans un film japonais, friand de ce genre d’images.
Nous nous trouvons en réalité en terre occitane, dans les Pyrénées-Orientales, un beau jour ensoleillé du printemps 2015.
Muriel (Catherine Deneuve), est la propriétaire de ce vaste domaine de vergers, auquel elle ajoute une activité d’élevage et de dressage de chevaux et de poneys, en vue de randonnées proposées aux touristes.
Ouverture particulièrement joyeuse et euphorique, puisque Muriel, qui semble une grand-mère heureuse, bien qu’un peu solitaire, se réjouit de l’arrivée de son petit-fils Alex qui a décidé de passer quelques jours avec elle, avant de partir s’installer au Canada.
Alex (Kacey Mottet-Klein) va rapidement se révéler comme un garçon taciturne et violent, ne manifestant aucune tendresse à l’égard de sa grand-mère, qu’il traite avec beaucoup d’insolence et de mépris.
Muriel va vite découvrir la raison de ce comportement inattendu et brutal: Alex ne s’est non seulement converti à l’Islam, mais il s’est suffisamment radicalisé pour envisager un départ en Syrie avec une jeune fille de son village, et un autre garçon qui joue le rôle de leader au sein de ce trio bien déterminé.
Le film raconte, en parallèle, les préparatifs d’Alex en vue de son départ en Syrie, et les efforts de la grand-mère pour retenir ce petit-fils qu’elle imagine définitivement perdu, s’il parvient à mener à son terme son funeste projet.
Sur ce sujet tout à fait d’actualité, André Téchiné, en cinéaste aguerri, déroule un film à la forme très classique, avec une narration très fluide, sans lourdeurs, sans explications inutiles, sans susciter un trop plein d’émotions, mais en entrant avec beaucoup de subtilité et de pudeur dans le ressenti de chacun des personnages. Idéalisme irrépressible d’Alex en direction d’un « adieu à la nuit », sa vie actuelle, avec l’espoir sans nuances du monde de lumière qu’il pense trouver sur d’autres terres, et bien plus encore dans l’au-delà après sa mort. Angoisse de Muriel, prête à tout pour ne pas voir disparaître à jamais ce petit-fils qui s’est déjà éloigné d’elle, mais qui est tant aimé.
Pour ne pas donner de l’Islam la seule image d’un jeune homme révolté et radicalisé, Téchiné fait intervenir deux personnages musulmans, incarnations, à l’opposé d’Alex, d’un Islam ouvert et tolérant. Youssef, d’une part, vieux sage qui assiste Muriel dans son travail, et qui tient auprès d’elle un rôle de confident. Fouad, d’autre part, qui a renoncé à sa radicalisation après un court séjour en Syrie, et qui tente de refaire sa vie auprès de sa fille, après avoir passé quelques années en prison.
Formidable interprétation, avec des comédiens d’un naturel et d’une vérité impressionnants. Deneuve, toujours magistrale, Mottet-Klein, découvert en enfant-comédien il y a 10 ans déjà et qui, adulte, confirme une maturité et un savoir-faire irréprochables. Oulaya Amamra convainc complètement dans le rôle de la « petite amie » d’Alex. Tout comme les seconds rôles, tous très à l’aise dans les scènes qui les mettent face à face avec la grande Catherine Deneuve !
Sur un sujet qui pouvait se prêter à quelques débordements, envolées ou dérapages malvenus, Téchiné tisse une histoire très crédible, une histoire d’aujourd’hui. Une histoire qui nous amène à nous interroger sur la religion et sur la foi, sur notre foi, et sur les extrémités mortifères auxquelles, dans certaines circonstances, elles peuvent parfois conduire.
Du beau cinéma, classique dans sa forme, riche dans son contenu.
Pierre Quelin.
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Catherine Deneuve et Kacey Mottet-Klein
Oulaya Amamra avec Kacey Mottet-Klein
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