Cinéma – Un Triomphe.

Un film d’Emmanuel Courcol – France – 2020 – 1 h 45.

En 2012, Paolo et Vittorio Taviani nous avaient enthousiasmé avec leur film César doit mourir (Ours d’Or au Festival de Berlin). Film tourné dans un quartier de haute sécurité d’une prison romaine, et qui nous montrait les répétitions et une partie de la représentation de la pièce de Shakespeare, Jules César. Les interprètes étaient les détenus, souvent condamnés à de très lourdes peines.

Emmanuel Courcol et ses scénaristes, s’inspirant d’un fait-divers réel, reprennent l’idée d’introduire le théâtre en prison, avec comme acteurs, quelques détenus d’une Maison d’Arrêt. Différence notable avec le film des Taviani, les détenus et les membres de l’administration pénitentiaire sont joués par des comédiens.

Etienne Carboni (Kad Merad) arrive à la Maison d’Arrêt de Lyon*** pour prendre la succession d’un metteur en scène qui avait déjà réuni un petit groupe de détenus. Le travail avait porté sur les Fables de La Fontaine. Etienne s’aperçoit rapidement que les détenus n’ont pas été particulièrement intéressés par ce travail.

Comédien n’étant pas remonté sur les planches depuis trois ans à son très grand regret, Etienne s’empare avec beaucoup d’enthousiasme de sa nouvelle mission, et décide de faire jouer par cinq détenus, les cinq personnages de la pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot (On se souvient que dans le tout récent film japonais Drive my car, c’est déjà cette pièce qui ouvrait le film). Universel Samuel Beckett !!!!

Les répétitions sont précédées d’un travail portant sur la façon de bouger, sur la façon de respirer (Très important), sur la façon de libérer son corps pour exprimer ses sentiments.

Au bout de 6 mois de répétitions intensives, il est décidé de sortir la pièce de la prison, et de la faire représenter dans un vrai théâtre. Après avoir obtenu assez facilement l’accord de la directrice de la prison qui voit d’un bon oeil le travail d’Etienne, puis plus difficilement l’autorisation de la Juge d’Application des Peines, Etienne et sa petite troupe sont accueillis au théâtre de la Croix-Rousse, où la représentation se révèle un franc succès.

Succès qui conduit à présenter la pièce dans différents théâtres de la région (Villefranche-sur-Saône, Grenoble…). Et enfin, cerise sur le gâteau, au Théâtre de l’Odéon à Paris !

Tournant du film à ce moment-là, qui ne peut pas être raconté. Il faut se rendre au cinéma pour découvrir la suite et la fin!!!

Emmanuel Courcol conduit son film tambour battant, avec une troupe de cinq comédiens épatants, tous différents les uns des autres par leur physique, leur façon de parler, leur couleur de peau… Et pour mener tout ce monde au succès, un Kad Merad en très grande forme qui devrait retenir l’attention de l’Académie des Césars.

Emmanuel Courcol nous montre aussi la prison avec ses hauts murs, ses barbelés, ses cours confinées, ses couloirs sans fin, ses multiples portes à franchir avant d’arriver au lieu de répétition. Pour qui à fréquenter une Maison d’Arrêt, les images du film sont bien le reflet de la réalité.

Un des grands intérêts du film, est de nous faire bien comprendre l’importance de laisser entrer la Culture et les Arts dans les centres de détention, même s’ils ne touchent, hélas, qu’un petit nombre de détenus.

Dans le film, il s’agit du théâtre. Mais il peut s’agir aussi d’ateliers de peinture, d’écriture, de lecture ou de cinéma, comme par exemple une séance mensuelle de Ciné-Club à la Maison d’Arrêt de Lyon-Corbas, activité malheureusement interrompue par l’arrivée de la pandémie due à la Covid 19.

Un film à voir, qui se déroule souvent sur le ton de la fantaisie, et qui permet d’avoir une idée partielle mais très réaliste du monde de la prison et des actions culturelles qu’il est possible d’y mener pour apporter un peu de lumière et beaucoup d’espérance aux détenus.

Pierre Quelin.

*** Les bâtiments que l’on voit dans le film sont ceux de la Maison d’Arrêt de Meaux.

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