C. Djavann, Et ces êtres sans pénis ! (roman)

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C. Djavann, Et ces êtres sans pénis !, Grasset, Paris 2021

On ne sait, à part le dernier chapitre, ce qui relève de la fiction ou de la réalité, dans le roman de Chahdortt Djavann. C’est que la réalité peut-être plus mortelle que la pire des fictions et que la fiction, même improbable, laisse entendre que l’humanité, les femmes d’abord, ne sont pas faites pour subir les pires violences, renverse les évidences idéologiques ou factuelles. Le texte ne manque pas d’humour, grinçant ; le surgissement dans la fiction de l’auteure est vraiment original. « La littérature, la fiction, n’est rien d’autre qu’une revanche imaginaire sur la réalité. » Lorsqu’il n’est pas possible de changer le monde, lorsqu’il faut trouver des stratégies pour vivre, encore.

Le cadre est celui du régime islamiste iranien, et particulièrement la violence qu’il réserve à « ces être sans pénis ». Une haine du régime est nourrie par la mise en intrigue de faits divers ; Négar et Leili, Sara, une deuxième épouse ‑ sans nom ‑, assassinée par son mari, leurs histoires sont celles, aussi incompréhensibles qu’incontestables, d’une société qui n’existe qu’à opprimer jusqu’à la majorité de sa population. Comment cela est-il possible ? Pourquoi cela est-il possible ? A quoi cela sert-il ? Quel intérêt peuvent bien y trouver les mâles ? Vivre d’être plus forts, vivre d’opprimer. C’est tellement outrancier que l’on en oublierait qu’il n’y a pas qu’en Iran que l’égalité de dignité des hommes et des femmes n’est pas la norme.

Ce qui rend la religion détestable, plus que son dogme ou ses rites, c’est l’usage de la force, la violence institutionnelle qui détruit et opprime les personnes aussi bien que l’art de vivre et la culture. Une religion peut-elle paraître un tant soit peu porteuse de vérité et d’avenir tant qu’elle assène par la force ce qu’elle estime nécessaire ? A croire qu’elle ne pourrait prendre sens que par ce qu’elle suscite de réaction, de rejet, d’aspiration à la liberté et à la vie, en les empêchant. La religion des mollahs et des ayatollahs nourrit une pensée des Lumières sans cesse réinventée.

On sera peut-être moins séduit par l’aspect idyllique ou paradisiaque de la société alternative. Peut-être est-ce mieux que cette dernière demeure impossible, farfelue même, pour que l’on ne se prenne pas à rêver du grand soir ou du paradis sur terre. On sait combien les messianismes et autres utopies ont généré de catastrophes. Que seulement l’on trouve dans la fiction la force de dénoncer l’horreur et la ressource de vivre, avec les moyens du bord, une humanité… humaine.

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