MASCARADES

de Lyes Salem

France/Algérie, 1h32, 2008.
Festival de Besançon 2008, prix du public. Festival international du film du Caire, prix de la sélection Films arabes.

Sortie en France le 10 décembre 2008.

avec Lyes Salem, Sarah Reguieg, Mohamed Bouchaïb.

A travers une comédie qui affiche clairement ses références à  Molière et à  Goldoni, le portrait chaleureux d’une Algérie contemporaine, que les femmes construisent sans tapage mais avec détermination.

mascarades2.jpgFranco-algérien par ses parents, Lyes Salem a grandi entre deux cultures, entre islam et christianisme, entre orient et occident, que ce soit pour les grands textes littéraires comme pour les petits faits et gestes de chaque peuple. Comme Molière, il préfère la comédie pour dire les maux d’une société. Comme Molière, il préfère la langue populaire pour s’adresser à  tous et pas seulement à  l’élite. Aussi pour son premier long-métrage, il a choisi de poser sa caméra en Algérie et de redonner toute sa place au parler naturel de la plupart des Algériens : ni arabe littéraire, ni français mais la langue populaire contemporaine. De même, il a choisi comme personnages des gens ordinaires, ni intellectuels urbains, ni extrémistes religieux, des gens vrais à  qui la magie de la fiction prête une existence qui leur permet de tendre un miroir à  tous les spectateurs.

Dans un petit village, un peu hors du temps mais où tout le monde se connaît et où les nouvelles, vraies ou fausses, se répandent très vite, il n’est pas facile de s’opposer à  la loi du plus grande nombre. Pas facile d’aller contre la tradition et pas facile non plus de ne pas tenir compte du quand dira t-on. Mounir, la trentaine, vit de petites combines pour subvenir aux besoins de sa femme, de son fils et de sa jeune sœur, Rym qui est handicapée par une maladie du sommeil qui lui fait piquer du nez toute la journée. Secrètement, Rym est amoureuse Khliffa. Le jeune homme se poste tous les soirs sous sa fenêtre et ils ont ensemble de longues conversations. Comme il est pauvre, il n’ose la demander en mariage à  Mounir, qui a des rêves de grandeur qui dépassent allégrement son modeste train de vie.mascarades3.jpg

Mascarades, le titre du film lui-même évoque la farce, la comédie italienne et, comme dans les meilleurs pièces de Molière, les femmes et les valets vont s’attacher à  faire réussir l’union des jeunes amoureux, pendant que le maître va fanfaronner et se faire piéger par plus malin que lui. Mounir a la sature d’un personnage qu’on retrouve dans de nombreuses cultures et qui fait les délices de la littérature classique et populaire, le fort en gueule, fanfaron et soucieux de plaire aux grands et aux riches, de sauver les apparences. Il rêve d’être un personnage public, aimé, respecté et craint. Dans sa maison, on laisse passer l’orage et il arrivera là  où les femmes, qui ont plus de jugeote, veulent le faire aller.

Hommage aux femmes algériennes qui, dans toutes les tourmentes de l’Histoire, grande ou petite, continuent à  s’entraider, à  nourrir leurs familles, à  aimer leurs enfants et à  rendre de la légèreté aux quotidiens les plus austères, Mascarades parle d’une Algérie qui survit malgré tout. A l’image de Rym, elle s’endort et se réveille tour à  tour. Handicapée par cette maladie, elle incarne aussi l’espoir d’une société plus juste, que les femmes algériennes sont déjà  nombreuses à  construire en silence mais avec détermination. Entre la tradition représentée par Mounir et l’avenir qui est entre les mains de Khliffa, Lyes Salem nous dresse le portrait chaleureux d’une Algérie contemporaine, bien vivante et attachante.

Magali Van Reeth

Signis France

Pour marque-pages : Permaliens.

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