de Benoît Jacquot
France, 2011, 1h40
Ouverture de la Berlinale 2012
Sortie en France le 21 mars 2012.
avec Diane Kruger, Virginie Ledoyen, Léa Seydoux.
Versailles, juillet 1789. A la cour du roi Louis XVI, il faudra quelques jours avant que les événements de la Bastille viennent chahuter les habitudes, les princesses et les servantes. Et amorcer une révolution.
Les films de Benoît Jacquot peuvent dérouter certains spectateurs. Il peut être difficile de trouver un lien commun à des films aussi différents que La Fille seule (1995), Le Septième ciel (1997), La Fausse suivante (2000), Adolphe (2002), Villa Amalia (2009) ou Au Fond des bois (2010). Grand lecteur, le cinéaste aime porter des romans à l’écran et dans les romans, il est plus sensible à une ambiance, à des nuances, qu’à la vigueur d’une trame narrative. Pas de militantisme ni de message, si ce n’est le plaisir de faire du cinéma et de le faire en cinéaste amoureux du mouvement, de la lumière, de la mise en scène et du jeu des acteurs.
Des actrices surtout puisque c’est généralement elles qui ont les premiers rôles dans ses films. Ici, elles sont nombreuses, magnifiées dans leur charme, leur sensualité et leur pétillance. De Léa Seydoux, la plus novice, à Martine Chevallier la plus experte. Diane Kruger est une Marie-Antoinette qui à l’âge et l’accent qui conviennent, passant de la frivolité à la raison dans la même scène et donnant toute sa fragilité au personnage. Julie-Marie Parmentier est un feu follet qui anime tout sur son passage, Noémie Lvovsky à son aise en gardienne du temple et Virginie Ledoyen est une apparition solaire qui ternit les reflets de la galerie des glaces à son passage. Mais justement, dans Les Adieux à la reine, le rôle principal est attribué à ce lieu unique qui sous-tend tout le film, le château de Versailles. L’un des monuments les plus visités du monde, demeure historique des rois de France, il est à la fois le symbole du pouvoir royal et honnis, et la preuve éclatante de l’excellence des artisans, créateurs et bâtisseurs d’une époque révolue.
Dans ce lieu ambigu, le réalisateur peut mettre en scène toute la dramaturgie du roman éponyme de Chantal Thomas. Quatre jours de juillet 1789 où, dans un monde clos et figé, les événements extérieurs vont faire vaciller un univers qu’on croyait immuable. C’est la marque des vraies révolutions, celles qui surprennent comme un séisme et bouleversent irrémédiablement l’ordre établi. Versailles est un château où habitent des milliers de personnes, grouillant autour de la famille royale. Des servantes dans les combles, des palefreniers dans les caves, des courtisans dans les placards et un archiviste dormant dans ses rayonnages. C’est le lieu idéal où s’épanouissent rumeurs, jalousies, intrigues : complots et bassesses assurés à tous les étages pour ramasser les miettes d’affection de la reine.
Benoît Jacquot capte les frémissements de la prise de la Bastille, dès la nuit du 14 juillet, dans ce bel ordonnancement. Les fêlures qui vont précipiter la chute du régime. Pas pour le regretter ou pour prendre partie mais pour montrer, dans les réactions les plus infimes et les comportements les plus ordinaires, la complexité des sentiments et la force d’un élan collectif. Pas besoin de montrer le peuple en colère, il restera hors champs et n’en acquière que plus de force quand on ne le ressent que dans les volte-face des personnages de la cour, grands ou petits.
Les costumes sont à la hauteur du décor et les actrices portent avec aisance et naturel des robes splendides. On est émerveillé par le traitement de la lumière, que ce soit sur le visage des personnages ou dans les diverses pièces du château. Benoît Jacquot et son équipe technique ont soigné les éclairages pour qu’ils rendent au mieux la particularité de la flamme, omniprésente alors. Feu de cheminée, de bougies ou rayons du soleil entrant par la fenêtre, on a sans cesse l’impression que la lumière est encore plus belle et plus naturelle qu’en vrai ! C’est un ravissement d’un bout à l’autre du film.
Sur le fond, on peut trouver qu’on n’aura pas appris grand-chose sur la Révolution française. Là n’est pas le propos du réalisateur. Pour Benoît Jacquot, Les Adieux à la reine, c’est avant tout vivre de l’intérieur, jusque dans la lumière particulière de cet été là , l’effritement d’un monde et de ceux qui l’ont incarné.