de Rufus Norris
Royaume-Uni, 2011, 1h30
Festival de Cannes 2012, sélection Semaine de la critique.
Sortie en France le 22 août 2012.
avec Tim Roth, Cillian Murphy, Eloise Laurence
La complexité du monde des adultes et de leurs réactions dans le regard inquiet d’une petite fille : un étonnement douloureux et un film poignant.
C’est une fillette de 10/11 ans qui finit ses vacances d’été avant l’entrée en 6ème. Elle a pour surnom Skunk, ou mouffette en anglais. La mouffette est un petit mammifère, du genre putois, qui crache son amertume vers l’ennemi… En anglais, il désigne aussi une canaille. Ce surnom ne gêne pas du tout Skunk, que son père utilise avec tendresse, réservant le vrai prénom pour les remontrances. Avec sa coupe au carrée, les rondeurs de l’enfance encore sur ses joues malgré les seins qui commencent à pousser, elle est craquante. Joyeuse, gentille et curieuse, son enfance va se fracasser contre le monde des adultes, si incompréhensible.
Pour son premier film, adapté du roman éponyme de Daniel Clay, le réalisateur Rufus Norris force l’admiration. Grâce à un montage élaboré, le spectateur voit d’abord la scène avec les yeux de Skunk puis ensuite avec ceux d’un adulte. Alternant les scènes de joyeuse plénitude, d’espièglerie enfantine avec la dure réalité de la violence physique ou verbale des adultes, le réalisateur cerne au plus près la complexité des sentiments de Skunk aux portes de l’adolescence. La découverte de la réalité, la fin de cette innocence enfantine est douloureuse mais aussi très constructive.
Comme Skunk, nous sommes parfois victimes de nos préjugés, de nos jugements hâtifs. Au cœur du film, la violence ordinaire se déroule : bagarres entre pestes sur le chemin du collège, brutalité des voisins, mensonges par omission des parents. Broken va encore plus loin dans la dramatisation de cet apprentissage mais laisse toujours le temps au spectateur d’anticiper, de prendre du recul, ce qui permet de mieux supporter certaines situations très violentes.
Tim Roth, en père attentif et rigoureux, est comme souvent, remarquable et la jeune Eloise Laurence traverse le film avec une grâce réjouissante, donnant toute sa densité au personnage de Skunk. Enfin, le réalisateur donne la part belle aux pères, ce qui devient rare dans le cinéma actuel. Ici, les mères sont absentes ou défaillantes, voire les deux à la fois. Les hommes eux, malgré leurs défauts, restent des références de dévotion, capables même de sauver.
Film dur pour enrober un personnage tout en tendresse, Broken sait reconstruire ce qui a été brisé, notamment à travers une éblouissante maîtrise de l’art du cinéma. Pour son premier long métrage, Rufus Norris fait un beau cadeau aux cinéphiles.