L’Homme qui rit

de Jean-Pierre Améris

France, 2012, 1h33

Sortie en France le 26 décembre 2012.

avec Marc-André Grondin, Christa Theret, Gérard Depardieu, Emmanuelle Seigner.

C’est un conte peuplé de personnages attachants ou très méchants, cruel comme la vie et poétique comme les rêves, qui montre ce que les yeux nous cachent et que le cœur pressant. Une belle adaptation tout public du roman de Victor Hugo.

Ce roman est l’un des moins connus de son auteur. Il est vrai qu’il est complexe, Hugo voulant en faire un manifeste politique, historique, philosophique et poétique. L’action se déroule en Angleterre au 18ème siècle et le personnage principal est Gwynplaine, un jeune garçon intentionnellement défiguré, dont le visage est à  jamais traversé par une cicatrice en forme de sourire. Avec lui, Déa, une jeune fille aveugle et leur protecteur, Ursus, homme des bois, charlatan et conteur qui pousse sa roulotte pleine de rêves.

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Simplifiant le propos politique de l’Angleterre républicaine, c’est cette aventure fabuleuse qu’a retenu le réalisateur Jean-Pierre Améris. Utilisant des teintes bleutées, des costumes délirants et forçant le traits des fourbes et la fragilité des innoncents, il révèle le côté gothique de l’œuvre d’Hugo – celui des dessins à  l’encre – pour en faire un conte intemporel. Loin du réalisme des Misérables, L’Homme qui rit prend les chemins du récit fantastique. Les rebondissements sont dus à  la malignité des individus, à  la fatalité des événements. Les châteaux sont effrayants, les dignitaires grotesques et les spectacles de foire féériques.

Dans des décors fantastiques, où l’hiver mort la peau et le ventre des pauvres, où on paye pour voir des monstres, le récit s’attache à  montrer le vrai sens de la beauté. Le visage de Gwynplaine dégoûte et fascine les badauds de la foire. A la fois attirés et repoussés par cette laideur inouïe, ils en font un objet de moquerie. Mais pour Déa, que la cécité protège de l’apparence superficielle, il est un homme aimable, un compagnon fidèle et beau. Pour Ursus, qui s’est volontairement mis en marge de ce monde, ces enfants sont à  protéger comme un joyau.20096179.jpg

Gérard Depardieu est parfait dans ce rôle d’ours solitaire, ami des bêtes sauvages, vendeur de potion magique et bonimenteur hors pair. Si son affection pour les enfants est sincère, ses dons de conteur vont vite mettre à  profit l’histoire et le visage rocambolesque de Gwynplaine et la beauté de Déa pour en faire un spectacle. Spectacle populaire qui attire de nombreux badauds lorsqu’ils arrivent à  Londres. Malheureusement, et déjà  à  cette époque ancienne, les sirènes de la renommée sont un danger. Reconnu, Gwynplaine apprend sa véritable identité et, tenté par le monde des puissants sans en connaître les rouages, il détruit sa véritable richesse : l’affection et la liberté données par Ursus, l’amour de Déa.

20091289.jpgJean-Pierre Améris réussit à  extraire de ce roman touffu une trame narrative prenante, que sa mise en scène ancre dans le fantastique, ce territoire où la raison chancelle pour laisser place à  l’imaginaire et au ressenti. Et où le cinéma excelle à  nous amener. L’Homme qui rit peut se voir dès 10 ans.

Magali Van Reeth

Signis

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