de Pablo Berger
Espagne, 2012, 1h44
Sortie en France le 23 janvier 2013.
avec Macarena Garcia, Maribel Verdu, Daniel Gimenez-Cacho.
Une relecture savoureuse et piquante du conte traditionnel de Blanche Neige dans l’Espagne des années 1920.
Blanche Neige, c’est l’histoire d’une jeune orpheline maltraitée par sa belle-mère et recueillie par des nains. C’est un conte sur la jalousie, où une femme mûre s’agace de la beauté d’une très jeune fille. C’est la méchanceté des familles recomposées. Une histoire qui montre que la beauté n’est pas toujours associée à la bonté et que les « petits monstres » que sont les nains peuvent être plus généreux que les « grands ».
Le réalisateur espagnol Pablo Berger s’empare de ce conte avec une ardeur conquérante et le traite dans l’Espagne des années 1920. Les femmes cachent leur flamme derrière des voiles de dentelle noire et rêvent d’épouser les gloires de l’époque, un torero aussi riche et beau que célèbre : même avant l’invention des réseaux sociaux, la foule savait reconnaître et célébrer ses idoles. Les costumes sont rutilants, les épées acérées et il n’y a aucune confusion entre les bons et les méchants !
Tourné en noir et blanc pour mieux coller à l’époque et donner la juste distance qui sied aux contes, le réalisateur redonne au texte des frères Grimm le côté grinçant que les ré-écritures du 20ème siècle lui avaient enlevé. Blancanieves rappelle, avec un humour joyeux et mordant, combien la vie est injuste et que même les femmes peuvent être cruelles. Ce que le cinéphile avait tendance à oublier après tant de films contemporains où les hommes ont été bien chahutés dans leur virilité et leurs lâchetés. L’ambiance des arènes et de la corrida rehausse le côté cruel de l’histoire.
Ici, les femmes sont au nombre de 4. La mère (Inma Cuesta) meurt en couches : normal, la vie et la mort sont intimement liées. La grand-mère maternelle aimante (Angela Molina) recueille le bébé dont le père ne peut pas s’occuper et meurt le jour même de la communion de Blanche Neige : sortie symbolique du temps de la petite enfance. La marâtre (Maribel Verdu), terme ancien et péjoratif pour désigner la belle-mère, celle qui va tenter d’éliminer Blanche Neige par tous les moyens car elle refuse ce miroir de la jeunesse, cette autre génération de femmes qui la relèguera au rang des vieilleries. Et Blanche Neige bien sûr (prénommée Carmen dans le film et interprétée par Macarena Garcia) autour de qui tous les différents visages de la femme se déploient.
Les nains sont là , groupe homogène où on a du mal à les distinguer et à les compter. Ils sont le lien avec le monde de l’enfance que Blanche Neige a tant de mal à quitter. Ce sont eux qui vont plus bousculer le conte et lui apporter un final savoureux Un film qui redonne son sens aux contes de fées et un vrai plaisir de cinéma.