Le Passé, prix oecuménique Cannes 2013

d’Asghar Faradhi

France, 2013, 2h10

Festival de Cannes 2013, compétition officielle, prix oecuménique et prix d’interprétation féminine pour Bérénice Béjo.

Sortie en France le 17 mai 2013.

avec Bérénice Béjo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa

Pour son premier film tourné en Europe, Asghar Faradhi ausculte brillamment les tensions domestiques, entre héritage du passé et projections dans l’avenir, notamment à  travers la souffrance des enfants dans les familles recomposées.

Après avoir remporté l’Ours d’or et le prix œcuménique à  la Berlinale 2011, avec Une Séparation, le réalisateur iranien a remporté la bourse du programme Media pour produire son prochain film en Europe. Tourné en France avec des acteurs français et iraniens (Bérénice Béjo, Tahar Rahim et Ali Mosaffa) , Le Passé est en sélection officielle au Festival de Cannes 2013.20540900.jpg

Comme dans ses précédents films, Asghar Faradhi porte une attention minutieuse à  l’enchevêtrement des événements, aux gestes infimes, aux paroles anodines qui se répercutent et provoquent une escalade de malentendus, de blessures, d’humiliation et d’incompréhension. Cette fois encore, le drame reste au niveau domestique et on ne quitte pas le cœur de la famille. Le personnage principal s’appelle Marie, elle a deux enfants, Lucie et Léa, un nouveau conjoint, Samir et son fils Fouad, et elle se rend à  l’aéroport accueillir son ex-mari, Ahmad, pour officialiser leur divorce. Très vite, son arrivée va révéler les tensions de cette famille très recomposée, les restes d’un amour passé et les espérances déçues.

Comme dans ses précédents films, le réalisateur maîtrise, avec une élégance fluide et discrète, ces scènes où les dialogues, au départ anodins, autour d’une recette de cuisine, de la bêtise d’un enfant ou d’un horaire à  respecter, s’enveniment peu à  peu. L’énervement et la maladresse font une irruption presque physique à  l’image. Difficile, au fur et à  mesure que le film se déroule, de ne pas penser que la dernière scène d’Une Séparation n’était que l’ouverture du Passé : la détresse des enfants face aux réactions des adultes, au choix de leurs parents et de leurs conjoints, est une source de souffrance.20540896_jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx.jpg

Si dans les précédents films d’Asghar Faradhi on comprenait très bien que des acteurs iraniens tournant en Iran, respectent certains codes usuels, on est un peu surpris de les retrouver ici. Marie et Samir, ne se touchent jamais, ne s’embrassent pas. Dans un film occidental, cette absence de contact physique est le signe certain d’un manque de sentiments. Certes, le rapport sexuel n’est pas obligatoire mais un peu plus de tendresse et de contact auraient ôté le doute qui nous envahit face à  cette distance physique. Marie est-elle vraiment amoureuse de Samir ?

Asghar Faradhi veut peut être ce doute, de même qu’il refuse de répondre à  nos questions. C’est au spectateur d’entrer dans le film pour comprendre quels liens unissent tous ces personnages et où se situe la vérité. Ahmad est persuadé que seule la vérité peut alléger la faute et ramener l’apaisement dans cette famille en devenir mais il est bien le seul ! La dernière scène, où cette fois aucune parole ne vient accompagner l’intensité de ce qui se déroule sous nos yeux, loin de clore le film, l’ouvre encore plus.

Au Festival de Cannes 2013, ce film a obtenu le prix du jury oecuménique : http://www.signis.net/article.php3?id_article=5745

Magali Van Reeth

Signis

Pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés