d’Atom Egoyan
Canada, 1h40, 2008.
Festival de Cannes, en compétition, prix du Jury oecuménique 2008.
Sortie en France le 15 avril 2009.
avec Devon Bostick, Arsinee Khanjian.
Pour dire la complexité du monde contemporain, un film qui montre la confusion des sentiments d’un adolescent face au flot continu d’informations et d’images contradictoires qu’il reçoit.
Au centre de ce nouveau film d’Atom Egoyan, Simon, un adolescent au seuil de l’âge adulte, jeune homme en apparence ordinaire si ce n’est son penchant très prononcé pour les mondes virtuels. Son ordinateur et son téléphone portable semblent être des prolongements naturels de sa conscience et de son organisme, le cadre ordinaire de sa vie étant les bords d’un écran lumineux. Simon cherche à connaître ses parents qu’il n’a pas connus et les raisons du drame qui les a emportés. Pour cela, tout est bon. Filmer son grand-père à l’hôpital, participer à des discussions via Internet, raconter sa vie à l’occasion d’un devoir en classe.
Peu à peu, au milieu de toutes ces paroles, dont on ne sait si elles sont réelles ou imaginées, témoignages ou mensonges, la confusion gagne aussi le spectateur et nous nous retrouvons dans cet état d’esprit particulier de Simon : face à ce flot d’informations, d’interprétations et de sentiments contradictoires, comment et où trouver la vérité ? Le film brouille toutes les pistes et rend palpable l’instabilité du personnage principal.
Ce que vit Simon, beaucoup d’autres personnes le vivent dans nos sociétés surmédiatisées. L’information n’a jamais été aussi accessible mais elle l’est sans hiérarchisation et il faut beaucoup de connaissances préalables pour savoir la trier et plus encore la digérer et la transmettre. Pour l’adolescent, la difficulté vient aussi du chaos affectif dans lequel il se trouve. Entre le mépris pour ceux qui sont restés, un vague sentiment de culpabilité, des pulsions d’agressivité et une admiration sans borne pour un portrait de sa mère, il ne sait s’il doit être une victime ou un redresseur de tort. Questionnant sans relâche de parfaits inconnus via Internet, il cherche à savoir qui il est réellement.
Les notions de victime et de culpabilité, qui ont beaucoup évolué au cours du 20ème siècle, sont récurrentes dans l’œuvre du réalisateur canadien Atom Egoyan. De beaux lendemains en 1997, Le Voyage de Félicia en 2000 ou Ararat en 2002 en exploraient certaines facettes, que ce soit à travers un drame personnel ou le génocide arménien. Dans ce nouveau film, le personnage de Simon incarne parfaitement le flou qui existe entre ces deux notions et qui est devenu un fait de société. Dans le monde occidental, où la confusion des repères moraux, religieux ou philosophiques, est amplifiée par une hyper médiatisation des individus ordinaires, comment devenir un adulte responsable et confiant dans l’avenir ?
Déjà récompensé en 1997 par un prix œcuménique au Festival de Cannes pour De beaux lendemains, Atom Egoyan a reçu une nouvelle fois ce prix en 2008 pour Adoration. Les jurés ont sans doute été encore une fois sensibles au questionnement porté par ce réalisateur sur notre monde en perpétuel mouvement où il faut porter une parole d’espérance pour envisager le futur.
Magali Van Reeth