Le Dernier des injustes

de Claude Lanzmann

Autriche/France, 2013, 3h38

Festival de Cannes 2013, hors compétition

Sortie en France le 13 novembre 2013

documentaire

Au cours d’une longue conversation lointaine, le quotidien du ghetto de Theresienstadt et les crimes des Nazis sont évoqués par l’un des derniers témoins directs.

C’est en préparant son œuvre majeure, Shoah, document historique unique sur l’holocauste, que Claude Lanzmann a filmé pendant une semaine Benjamin Murmelstein, le dernier président du Conseil juif du ghetto de Theresienstadt. C’était à  Rome en 1975 et, fumant gitane sur gitane dans la belle lumière d’automne, le réalisateur a vite compris que la parole de cet homme-là  ne pouvait se fondre dans le reste du film. On sent bien que le réalisateur se laisse séduire par cet homme qui a réussi à  s’extraire des griffes d’Eichmann et qui trouve que le procès de ce criminel a été bâclé.

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Murmelstein est intelligent, cultivé, lucide et rusé. Il a eu longuement le temps de revenir sur cette expérience douloureuse. D’abord au cours d’un procès et d’un emprisonnement au sortir de la guerre puis en écrivant, en 1961, un livre pour parler du ghetto de Theresienstadt, installé au nord de Prague et voulu par Eichmann comme un « ghetto modèle », celui qu’on montre à  la Croix Rouge pour rassurer les observateurs. Arrivé à  ce poste parce que ses prédécesseurs avaient été froidement éliminés, Murmelstein a du sans cesse lutter pour sa survie et celle des milliers d’autres dont il avait la charge. Parce qu’il n’est pas mort, et qu’il a parfaitement conscience de ce que cela représente pour l’opinion publique, il se nomme lui-même « le dernier des injustes »

Claude Lanzmann avait déposé à  l’Holocaust Memorial Museum de Washington (Etats-Unis) tout le matériel filmé en 1975. Lorsque récemment, il a vu ses propres images exploitées par d’autres et d’une façon qu’il désapprouvait, le réalisateur a décidé de monter enfin ces longues conversations avec Benjamin Murmelstein. Et d’y ajouter des images prises sur les liens évoqués, que ce soit des photos d’archives, des dessins de ceux qui y survivaient ou des scènes tournées pour ce documentaire.

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Né en 1925, Claude Lanzmann travaille depuis 40 ans à  faire de l’Histoire avec du cinéma et il a fortement contribué à  faire connaître la volonté d’extermination des juifs par les Nazis au début du 20ème siècle. Le Dernier des injustes garde le style austère des précédents documentaires et montre que le réalisateur n’a rien perdu de son désir de filmer la mémoire de ceux qui sont partis tragiquement. Mêlant les images de 1975 à  d’autres plus récentes sur les lieux évoqués par Benjamin Murmelstein, il redonne toute son actualité à  une histoire que les états européens partagent toujours. Si ce film est indéniablement un document historique et nécessaire, il est cependant d’une forme assez austère et d’une longueur (3h38) qui pourra décourager les simples curieux.

Magali Van Reeth

Signis

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