de Kore Eda Hirokazu
Japon, 2013, 2h00
Festival de Cannes 2013, compétition officielle, mention spéciale du prix œcuménique.
Sortie en France le 25 décembre 2013.
avec Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Yoko Maki, Lily Franky.
Confronté au drame d’un échange d’enfant, un homme accaparé par son travail et ses idées préconçues, va apprendre comment devenir physiquement père.
Dans une grande ville du Japon, Keita a 6 ans. C’est un petit garçon calme et délicat, qui fait son possible pour plaire à ses parents, une maman disponible et souriante, un père un trop absorbé par son travail mais exigeant sur les performances scolaires et artistiques de son fils. La vie de Keita va être bouleversée à partir du moment où ses parents sont convoqués à la maternité où il a vu le jour. Au moment de sa naissance, il a été échangé avec un autre nourrisson. Cette découverte va plonger deux familles dans des moments douloureux et des sentiments complexes.
Kore Eda Hirokazu a, dans sa belle filmographie, fait plusieurs films sur l’enfance et la famille. Enfants livrés à eux-mêmes avec Nobody Knows (2004), réunion de famille douce amère dans Still Walking (2008), deux frères déchirés par la séparation de leurs parents dans I Wish, nos vœux secrets (2011). Mais cette fois, si les enfants sont à nouveaux au centre de l’intrigue du film, c’est l’un des pères qui en est le personnage principal. Interprété par le chanteur et acteur très célèbre au Japon, Masaharu Fukuyama, Ryota est celui que cette histoire d’échange de bébés va le plus transformer. D’abord persuadé que les liens du sang sont plus forts que tout, il pousse à l’échange le plus rapide, provoquant la surprise effarée de l’autre père qui ne considère pas qu’on puisse troquer des enfants comme des poulets ou des salades
On peut regretter que les deux familles soient traitées de façon un peu trop caricaturale. Chez les riches, la décoration de la maison et les vêtements des parents et de l’enfant sont dans des teintes feutrées, des coloris convenables sur lesquelles le regard glisse. On comprend que la mère a démissionné de son travail pour devenir femme au foyer à part entière, rôle qu’elle endosse avec une soumission parfois déroutante pour les spectateurs occidentaux. Dans la famille plus modeste, au contraire, les vêtements sont de couleurs vives et même criardes pour les chemises du père, la mère n’hésite pas à rembarrer son mari et à se moquer de lui. Et les trois enfants génèrent forcément du mouvement et de la joie. Chez eux, on répare ce qui est cassé et on montre son affection à bras le corps alors que dans l’autre famille, on consomme et on ne se touche presque pas.
Malgré cela, Tel père, tel fils est un film touchant. Il traite avec justesse un sujet grave : comment devient-on père ? Refusant les rebondissements mélodramatiques, le réalisateur Kore Eda Hirokazu laisse à ses personnages, et aux spectateurs, le temps de cheminer, de digérer l’incroyable. Si chaque famille est prête à prendre les deux enfants, aucune ne peut se retrouver sans « son » fils. La souffrance infligée aux enfants ne peut laisser indifférents les parents. Lentement, et avec une mise en scène aussi brillante que discrète, chacun murit au gré des erreurs, les grands comme les petits. Même au Japon où la culture sociale et familiale est différente, la paternité n’est ni une évidence ni une question purement biologique.
Au dernier Festival de Cannes, où ce film était en compétition officielle, il a reçu le prix du jury et une mention spéciale du prix œcuménique.