de Zhang-ke Jia
avec Zhao Tao, Sylvia Chang
Drame chinois (2015) 2h06. Sélection officielle (Cannes 2015).
Un film sur le temps qui passe, sur la permanence des sentiments avec la retenue et la sensibilité d’un cinéaste, Zhang-ke Jia, au mitan de sa vie et attentif aux questions de l’amour, de la vie, de la mortUne réflexion aussi sur le prix à payer de toute évolution
« Au-delà des montagnes » commence en 1999 dans la petite ville de Fenyang par le Nouvel An chinois fêté par une bande de jeunes dont Tao, une jeune fille chanteuse à ses heures. Il se termine par une anticipation des années 2025 quelque part en AustralieTrois époques marquent l’histoire.
1999. Le personnage de Tao (jouée par l’épouse du réalisateur) est une jeune fille partagée entre deux hommes : Lianzi qui est mineur et Zang qui ne rêve que de réussite professionnelle. Après bien des hésitations, Tao va suivre ce dernier à la ville voisine où il a racheté plusieurs usines. Ils vivent bien, ont un fils, Daole. Mais la mésentente s’installe, le couple divorce et Zang a la garde de son fils pour qui il envisage les meilleures écoles étrangères
2014. Tao est revenue vivre à Fenyang. Son ex-mari lui a laissé une station-service. Elle est devenue riche et notable. A l’occasion du décès brutal de son père, déchirée, elle fait revenir son fils Daole qui a 7 ans. Les quelques jours passés avec lui seront déterminants pour tous les deux. A contre-coeur, Tao accepte de le voir s’éloigner d’elle et partir pour l’Australie. Il ne s’exprime plus qu’en anglais ! Daole emporte avec lui les clés de la maison.
2025. Australie. Daole (qu’on appelle Dollar !) et son père ont émigré. Le jeune homme est à la faculté mais se sent complètement déraciné. Un lien amoureux va le rapprocher de son professeur de chinois, une femme d’âge mûr qui inconsciemment, lui rappelle sa mère qu’il croit avoir oubliéeAidée par cette femme aimante, il décide alors de revenir en Chine
C’est finalement un film sur le déchirement et la permanence des sentiments que nous propose Zhang-ke Jia avec Au-delà des montagnes. Ce déchirement que peut provoquer les perceptions entre deux hommes comme le vit Tao, entre deux modes de vie (la Chine et l’Australie) entre deux langues (le chinois et l’anglais). Que reste-t-il du temps qui passe et des liens qui nous unissent aux gens aimés, à nos enfants ? Un pays peut-il se renier pour sa réussite économique ?
Tao aura fait un choix amoureux la privant de son fils mais le lien à sa ville n’aura pas été rompu ni celui des promenades au bord du fleuve ou la fabrication des traditionnelles ravioles.
Son ex-mari a choisi la réussite matérielle, l’exil, au risque d’être obligé de passer par une traductrice pour comprendre son fils qui ne parle maintenant que l’anglais ! Triste constat. Finalement, le fils choisira de renouer avec son histoire, sa vérité
Zhang-ke Jia réussit aussi à nous rendre palpable cette évolution de l’histoire en utilisant des images qu’il a tournées à différentes époques dans sa ville minière natale, Fenyang.
L’écran s’élargit à chaque période commençant en petit format en 1999 pour finir en cinémascope pour les années 2025 où l’Australie apparaît saturée de blancheur irréelle.
Les sentiments sont retenus, joie comme chagrin. Tout est esquissé mais d’une manière très profonde, si forte dans l’intensité.
Dernière image du film : Tao danse comme en 1999 mais seule. Elle a tant vécu de choses pendant ces 25 années mais a gardé sa joie intérieure qu’elle exprime sous un manteau neigeux.
L’actrice Zhao Tao lui apporte toute sa sensibilité et sa grâce. Les retrouvailles sont proches
Marie-Noëlle Gougeon
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