de Julie Lopes-Curval
France, 1h45, 2009.
Sortie en France le 7 octobre 2009.
avec Catherine Deneuve, Marina Hands, Marie-Josée Croze.
Avec un superbe trio d’actrices, une histoire de famille et de femmes à travers différentes époques mais qui, toutes les trois, cherchent à mieux vivre leur féminité, même si cela est parfois douloureux.
Couples aussi fusionnels que conflictuels, les relations mères/filles ont souvent été l’objet de romans ou d’études, notamment depuis que la psychanalyse a donné un éclairage nouveau à ce lien. Mères et filles, le nouveau film de la jeune réalisatrice française Julie Lopes-Curval donne, grâce à la fiction, un regard très moderne et en trois dimensions sur cette relation.
Trois dimensions puisque, dans ce film, il est question de trois générations, la grand-mère, la mère et la fille, mais aussi trois époques, des années 50 aux années 2010, trois façons d’être femmes dans une société occidentale en pleine évolution. Et aussi trois actrices, Marina Hands et Marie-Josée Croze face à Catherine Deneuve, mettant ainsi en abîme, comme dans un miroir à trois faces, le poids de la transmission et la difficulté d’une relation où se mêlent fascination, jalousie et affection.
Lorsqu’Audrey, la trentaine, réalise qu’elle attend un bébé, elle retourne chez ses parents et découvre, par hasard, la vie de sa grand-mère, qu’elle n’a pas connue. Ses questions vont perturber les relations dans toute la famille mais lui permettront de mieux décider de son avenir de femme et de mère.
Si Mères et filles questionne bien évidemment nos relations familiales, il permet aussi de tracer l’évolution du rôle de la femme dans la famille et à l’intérieur de la société. Pendant des siècles, les femmes ont travaillé aux champs, dans la maison, faisaient de l’artisanat, tout en élevant des enfants. A partir du 19ème siècle, dans les sociétés occidentales au moins, au fur et à mesure que le progrès technique « libérait » la femme des tâches ménagères, l’homme voulait de plus en plus la confiner à l’intérieur de la maison et de cette cuisine « moderne », siège du pouvoir féminin et de la tyrannie bourgeoise.
Dans le film, la cuisine des années 50 est une merveille de Formica, équipée de presse-agrumes, de machines à trancher et de lave-vaisselle qui disent toute l’agressivité du lieu : nettoyer, réduire et déchiqueter pour se nourrir et nourrir les autres, transformer pour exister. Métaphore de ce que doit exécuter Audrey pour vivre dans l’avenir. Et, ultime détail qui apporte une touche finale à ce décor, cette cuisine s’ouvre sur la mer.
Julie Lopez-Curval a su faire travailler les trois actrices avec une réelle cohésion. Catherine Deneuve, icône historique du cinéma qui tourne volontiers avec de jeunes réalisateurs, et Marina Hands, plus jeune certes mais capable d’incarner un personnage et de le transcender, comme elle l’a montré dans Lady Chatterley de Pascale Ferran, forment un couple mère-fille tout à fait crédible, chacune pouvant exprimer physiquement ces nuances que les mots sont incapables de traduire. Et Marie-Josée Croze, canadienne, capable de revêtir à merveille les habits de la Française modèle des années 50.
Un film plein de charme, subtil et émouvant.
Magali Van Reeth
Signis