de Samuel Maoz
Israël, 1h32, 2009.
Lion d’or Mostra de Venise 2009. Mention prix Fipresci et prix Signis.
Sortie en France le 3 février 2010.
avec Yoav Donat, Itay Tiran, Ohsri Cohen.
Un film de guerre saisissant mais aussi une éclatante démonstration sur le cinéma et les effets déformants des cadres et des écrans qui diminuent notre regard et notre entendement.
Liban 1982. Dans le ventre métallique d’un char d’assaut, de jeunes soldats israéliens découvrent, en direct, les horreurs de la guerre. Ils sont nombreux les films de guerre qui dénoncent la violence armée. Lebanon est clairement de ceux là mais il le fait d’une façon assez inhabituelle.
Dès le début du film, et presque jusqu’aux dernières images, le spectateur est littéralement embarqué dans un char, au cœur même des combats. Très vite on ressent cette sensation d’étouffement. Entassés dans une boîte de conserve qui fait un bruit démentiel, les soldats sont bousculés physiquement avant même de commencer à vaciller psychiquement. Entrainés par un état toujours en guerre où tous les citoyens sont des militaires, les jeunes gens réalisent, dès qu’ils entrent dans la zone de combat, à quel point les manœuvres militaires n’ont rien de commun avec la vraie guerre.
Un char est une machine énorme, bruyante et massive. Les bruits de l’extérieur n’entrent pas dans cette robuste carapace d’insecte monstrueux. Protégés de l’extérieur mais aussi coupés du monde, les soldats ne peuvent faire confiance qu’à la technique, aux ordres qui arrivent par radio. Toute l’équipe du char, aux commandes d’un véhicule surpuissant, ne voit l’extérieur qu’à travers le hublot de la tourelle ou le viseur du canon. Vision tronquée, défaillante, partiale qui met les soldats dans un état d’impuissance dès lors que la technique défaille. La peur, chez ces jeunes gens si peu habitués à donner la mort, tourne vite à la panique.
C’est cette vision tronquée qui fait toute la force et l’originalité du film. On dépasse alors le simple film de guerre, antimilitariste ou non, pour une métaphore musclée, c’est peu dire puisque c’est en char d’assaut qu’on nous démontre combien le cadre d’une photo, d’un film, d’un écran, limite notre perception de la réalité. Notre regard, comme celui des soldats, se heurte tout au long du film aux lignes infranchissables du viseur du canon et du quadrilatère de l’écran. Parce qu’on perçoit des bruits « du dehors », parce qu’on est capable d’imaginer à partir de ce qu’on connaît, on a l’impression d’être perpétuellement « hors champ », de ne pouvoir jamais saisir l’image de la réalité dans son ensemble.
Lebanon est le premier long métrage d’un réalisateur israélien, inspiré de ce qu’il a vécu personnellement. Samuel Maoz a su trouver la puissance narrative de la fiction et la maîtrise technique pour en faire un grand film. Récompensé par le Lion d’or de la Mostra de Venise 2009, Lebanon a aussi reçu une mention du prix Fipresci et une mention du prix Signis.
Magali Van Reeth
Signis