de Dominique Marchais
France, 2h03, 2009.
Sélection officielle au Festival international de Locarno, au Festival de Belfort et aux Etats généraux du film documentaire de Lussas 2009.
Sortie en France le 10 février 2010.
Ce documentaire est un remarquable état des lieux du monde agricole et il pousse le débat sur des choix de société qu’il est urgent de prendre dès aujourd’hui pour assurer notre avenir.
Le Temps des grâces surprend déjà par l’élégance de son titre. De quelle « grâce » s’agit-il ? Bienfait ? Remerciement ? Amnistie ? Beauté ou simplement le terme pris dans son sens étymologique qui est « aide de Dieu » ? A chacun de voir comment il aura perçu ce film Mais une chose est sûre, c’est toujours une grande joie de découvrir un documentaire où la maitrise des techniques cinématographiques est mise au service d’une vraie réflexion. Il comble le spectateur tout au long des deux heures de projection en lui apportant non seulement des questions nouvelles mais aussi des éléments de réponse. Ce n’est pas tous les jours qu’un réalisateur implique autant l’intelligence du spectateur !
Cours de géographie à travers la France rurale où on apprend que la terre a une odeur, même en hiver et que les sols ne sont pas les mêmes en Lorraine ou sur le plateau de Millevaches. Cours d’histoire où l’homme travaille les paysages tout au long des siècles, cours d’économie agricole à l’heure de la mondialisation, Le Temps des grâces n’est pourtant jamais pesant ni didactique.
Alternant les différents intervenants (agriculteurs, chercheurs, retraités, politiques) avec des scènes plus contemplatives, le montage du film nous permet d’entrer complètement dans cette réflexion. Le documentaire implique tout autant les paysans, qui produisent de l’alimentation, que les citadins qui la consomment. La caméra sait poser notre regard sur les ombres lumineuses qui traversent les champs de blé un jour de soleil et de nuages, sur les corps puissants des vaches du Limousin, sur les lignes à haute tension qui scandent la campagne de l’Ile de France. Si on écoute avec attention le réquisitoire enflammé d’un chercheur en agronomie, on chante avec une retraitée et on s’attarde dans la cour d’une ferme un jour de pluie.
Ici, pas d’accusation lapidaire, pas de bouc émissaire. Des paysans constatent les désastres d’une évolution qui a commencée au sortir de la Deuxième guerre mondiale et dont ils sont eux-mêmes partie prenante. Avec les chercheurs, ils constatent à la fois la pauvreté des sols qu’on a trop cultivés, et l’amélioration manifeste de leur mode de vie.
Loin de toute nostalgie envers une époque ancestrale – qui était très dure, comme le soulignent plusieurs témoins – Le Temps des grâces n’est jamais désespéré. L’un des intervenants dit même: « Sans doute que tout autre chose émerge sous nos yeux ». Des solutions existent et c’est aussi à nous, citadins, habitants d’un pays riche et fertile, de prendre en mains notre avenir, en choisissant dès aujourd’hui les produits que nous voulons consommer.
Film qui souligne combien l’Homme est lié au sort de sa planète, Le Temps des grâces nous rend plus intelligent parce que capable de penser notre avenir.
********
Le dossier de presse du film peut être téléchargé sur le site http://www.capricci.fr/ . Il permettra notamment de retrouver le nom de tous les intervenants et de poursuivre cette réflexion. En voici deux extraits :
« Il faut 15 ans pour transformer une agriculture conventionnelle en agriculture bio. C’est passer d’un système qui marche à un système qui marche. Si on n’est plus capable de penser à échéance de 15 ans alors c’est foutu. Soit une société est capable de penser à 25 ans, soit elle ne pense pas. » Matthieu Calame ingénieur agronome, Fondation Charles-Leopold Mayer.
« Sur un marché international, l’avantage comparatif de la France est d’avoir une agriculture qui produit à petite échelle des produits d’excellente qualité sanitaire et gustative. La vocation de la France n’est pas de faire du dumping à des paysans pauvres. Les pays du tiers monde doivent se nourrir par eux-mêmes, notre vocation n’est pas de les nourrir. » Marc Dufumier, enseignant chercheur, AgroParisTech.
Magali Van Reeth
Signis