de Katell Quillévéré
France, 1h22, 2010.
Festival de Cannes 2010, Quinzaine des réalisateurs.
Prix Jean Vigo 2010
Sortie en France le 4 août 2010.
avec Clara Augarde, Lio, Michel Galabru, Youen Leboulanger-Gourvil.
Très beau film sur une adolescente en plein devenir, entre le corps qui s’éveille et l’âme qui se cherche, où le fait religieux trouve une place naturelle et décomplexée.
Jeune réalisatrice à peine trentenaire, Katell Quillévéré nous offre un très beau film sur l’adolescence. Période très délicate, confuse et s’étirant dans le temps. L’enfant perd son innocence quand il réalise la complexité du monde qui l’entoure, et que les êtres qu’il aimait jusque là de façon presque convulsive, ont aussi leurs zones d’ombres et leurs faiblesses.
A 14 ans, Anna est en plein désarroi. Elevée en Bretagne, dans une famille bourgeoise, elle vient de passer les épreuves du brevet et doit être confirmée dans quelques jours. Mais ses parents sont entrain de se séparer, son grand-père meurt doucement et elle est attirée d’une étrange façon par son ami Pierre. Dans Un Poison violent, la religion a une grande importance, et pas comme un simple décor. Bien sûr la robe blanche et la couronne de fleurs des confirmantes permettent de symboliser l’innocence et de rehausser l’esthétique de ce film soigné. Bien sûr la musique y prend plus d’ampleur, notamment la chanson Creep du groupe Radiohead, mais les questions concernant le doute et la tentation prennent un relief très particulier dans le contexte catholique.
Pour la réalisatrice, cette importance du fait religieux est un élément essentiel du film : « Je pense que la thématique de la religion révèle tout simplement avec plus d’intensité des problématiques communes à tous. La religion exacerbe la contradiction entre une ligne de conduite qu’on s’impose, et les pulsions qui nous habitent. Ce tiraillement me touche profondément. Le trajet de l’héroïne par rapport à cette question donne au film sa résolution contemporaine. A l’image de ma génération, Anna ne se construit pas en rejetant les modèles qui l’ont constituée jusque-là . Elle décide d’accepter d’être nourrie par leurs contradictions. Anna choisit de s’ouvrir à la liberté, sans refuge, et la liberté n’est pas quelque chose de doux. »
Et effectivement, Un Poison violent montre une adolescente tout à fait de son époque, avec cet attachement très particulier aux grands-parents, le besoin de rituels et le désordre émotionnel face au couple parental. Anna est à la fois à l’affut de ce que font les autres et désireuse de savoir qui elle est. La justesse du scénario s’accompagne d’une très belle image et de beaucoup de délicatesse dans le traitement des personnages. Les deux jeunes acteurs, Clara Augarde et Youen Leboulanger-Gourvil sont confondants de sincérité mais c’est vrai qu’ils ont l’âge de leurs personnages. On apprécie que Katell Quillévéré ait laissé leurs corps exprimer physiquement la maladresse, le désir, la répulsion ou la tendresse, sans passer par les dialogues.
On trouve aussi une belle figure de prêtre dans Un Poison violent. Un jeune homme d’origine italienne, en col romain et en basket pour faire un foot avec les gamins du village, crédible en confession et, lui aussi, dans ses doutes. Heureux curé cependant dont l’église est si pleine le dimanche qu’on doit se serrer sur les bancs Mais pour les besoins du film et de ses exigences, on veut bien rêver un peu avec lui devant ces assemblées paroissiales si denses, où les têtes blanches ne sont pas majoritaires, où tous chantent et communient dans une belle fraternité, sans doute une intuition d’artiste pour l’Eglise de demain, à laquelle on adhère avec enthousiasme !
Magali Van Reeth
Signis